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Trois auteurs romands expriment les «Désirs de vie» qui surgissent en dépit du sida

Dix petites nouvelles abordent les effets pervers de la banalisation de la maladie depuis l'arrivée des trithérapies, en évitant toute forme de sensiblerie

Dix petites nouvelles qui parlent toutes de vie, avec la mort tapie derrière les mots: écrire sur le sida est une gageure que trois auteurs ont affrontée pour le Groupe Sida Genève et pour Sid'action Vaud. Depuis l'arrivée des trithérapies, le statut de la maladie a changé, elle a cessé d'être ce fléau millénariste dont on mourait forcément. «Comme si en nommant le sida on l'avait oublié. Comme si avec les thérapies, il était devenu facile de ne plus y penser», écrit Karelle Ménine en quatrième de couverture de Désirs de vie, le petit livre qui réunit les récits qu'elle a écrits avec Jean-Claude Humbert et Roberto Induni.

Leurs récits ne sont pas des témoignages mais des «vies majuscules» qui sont chacune «l'exemple de milliers». Les quatre qu'a écrits avec talent Karelle Ménine parlent presque tous d'enfance, d'enfantement, de désir d'enfant. Une fillette veut rester avec sa mère, refuse la famille d'accueil, s'ensevelit sous les flocons de neige. Un couple décide de garder son bébé. Un petit garçon est la seule raison de vivre d'une femme, il le sait et il tient à ce fardeau. Un homme refuse la sollicitude trop maternelle de celle qui le dévore en l'assistant. Les malades et leurs proches ont besoin d'aide mais aussi de respect, d'indépendance, de solitude aussi, parfois. C'est peut-être la seule morale de ces histoires qui vont parfois à l'encontre de ce qui est admis par les bien portants.

Apprivoiser le bonheur

Les cinq nouvelles de Jean-Claude Humbert sont moins littéraires, plus descriptives. Celui qui s'était habitué à l'idée de sa mort doit en faire le deuil et «apprivoiser le bonheur», ce à quoi il parvient très vite! Une jeune femme sans papiers est terrorisée à l'idée de se faire prendre, jusqu'au jour où elle reprend confiance en constatant son pouvoir de séduction. La peur est omniprésente: peur de l'aveu et de ses conséquences, peur du regard, peur du jugement. Roberto Induni, lui, dit la fatigue de celui qui accompagne, impuissant, une agonie qui n'en finit pas.

La banalisation de la maladie a ses effets pervers que ce petit livre tente de contrer, en évitant remarquablement la sensiblerie. Ce regard intérieur sera sans doute très utile aux bénévoles ou à ceux qui souhaitent le devenir, mais aussi à tout un chacun.

Désirs de vie. Préface de Jean-Claude Brialy. Editions de l'Aire, 64 p.

Les bénéfices des droits d'auteurs seront versés en aides directes aux personnes qui vivent avec le VIH/sida.