La justice russe a jugé coupables mardi les trois suspects de l’attaque à l’acide qui a grièvement blessé, en janvier dernier, le directeur artistique du Bolchoï, parmi lesquels un danseur du théâtre qui risque 9 ans de camp.

La juge Elena Maximova a, dès le début de l’audience, déclaré coupables le soliste et militant syndical du Bolchoï Pavel Dmitritchenko et ses deux complices présumés, l’exécutant Iouri Zaroutski et le chauffeur Andreï Lipatov, selon une journaliste de l’AFP sur place.

La juge doit prononcer les peines des trois hommes plus tard. La lecture du verdict pourrait prendre plusieurs heures.

Les prévenus comparaissaient depuis mi-octobre au tribunal Mechtchanski de Moscou pour cette attaque commise le 17 janvier en bas de l’immeuble du directeur artistique du théâtre, Sergueï Filine.

Jalousie

Selon la juge, ils s’étaient «entendus préalablement» pour commettre ce crime. Pavel Dimitritchenko était mécontent du travail de Filine en matière de répartition des rôles et des primes des artistes; il a élaboré un plan criminel», a-t-elle déclaré.

La semaine dernière, le parquet a requis 9 ans de camp à régime sévère contre M. Dmitritchenko, 10 ans contre M. Zaroutski et 6 ans contre M. Lipatov.

Pendant le procès, M. Dmitritchenko, 29 ans, a rejeté l’accusation d’avoir voulu de façon préméditée infliger des blessures graves à M. Filine, tout en admettant avoir demandé qu’il soit passé à tabac. Lors des plaidoiries, il s’est dit prêt à être condamné pour «coups», un chef d’accusation passible d’une peine allant jusqu’à 2 ans de camp.

M. Zaroutski a pour sa part reconnu avoir attaqué à l’acide M. Filine de sa propre initiative.

L’avocate de l’accusation, Tatiana Stoukalova, a aussi réclamé lors des plaidoiries 508 000 roubles (11 300 euros) au titre du préjudice physique et 3 millions de roubles (66 700 euros) au titre du préjudice moral.

M. Filine, 43 ans, a subi après l’attaque une greffe de la peau et plusieurs opérations des yeux en Allemagne. Alors qu’il avait repris son travail au Bolchoï en septembre, constamment accompagné d’un garde du corps, il est retourné en Allemagne très récemment, l’état de ses yeux s’étant dégradé.

Rivalités féroces

Cette affaire a révélé au grand jour les rivalités féroces et les pratiques douteuses en cours dans les coulisses du plus prestigieux théâtre de Russie. Ces conflits internes ont été largement évoqués lors de l’instruction et au fil du procès des trois hommes.

Cette affaire a eu des répercussions dans le théâtre même. Le danseur étoile Nikolaï Tsiskaridzé, en conflit ouvert avec M. Filine, en a été limogé en juin, après avoir mis en doute la gravité des blessures de son rival et avoir été presque ouvertement accusé d’être l’instigateur de l’agression par l’ex-directeur du théâtre, Anatoli Iksanov.

Un mois plus tard, c’est M. Iksanov lui-même qui a été limogé.

D’autres scandales ont depuis entaché la réputation de l’établissement. Mi-novembre, une danseuse américaine, Joy Womack, a affirmé dans une interview au quotidien Izvestia avoir dû quitter le Bolchoï, dont la hiérarchie exigeait d’elle 10 000 dollars pour la faire passer au rang de soliste.

Nouveau rebondissement survenu lundi, le chef d’orchestre et directeur musical du théâtre, Vassili Sinaïski, a démissionné de sa propre initiative, à quinze jours de la première très attendue de l’opéra Don Carlo de Verdi, a annoncé le directeur général de l’établissement, Vladimir Ourine.

Ce dernier a été nommé en remplacement de M. Iksanov avec pour mission de rétablir l’ordre et de redorer la réputation du théâtre.

Mardi, la porte-parole du Bolchoï, Ekaterina Novikova, a annoncé, citée par l’agence officielle Itar-Tass, que le contrat d’une conseillère de M. Filine, Diliara Timergazina, ne serait pas reconduit en 2014.