Antiquités
«Corps et esprits» réunit les collections d’antiquité méditerranéennes du MAH et celles de la Fondation Gandur pour l’art. D’une sobriété élégante, l’exposition fait la publicité de l’agrandissement du musée

Un mariage archéologique au musée
«Corps et esprits» unit les collectionsdu Musée d’art et d’histoire et de la Fondation Gandur
L’exposition milite pour le projet Nouvel
Certains vernissages prennent des dimensions particulières. C’est le cas pour Corps et esprits, inaugurée jeudi dernier au Musée d’art et d’histoire de Genève. Il s’agit certes d’un élégant dispositif valorisant de magnifiques sculptures de la Méditerranée antique, mais elle n’aurait jamais suscité de tels discours si elle n’était clairement proposée comme une préfiguration du musée agrandi par Jean Nouvel. Les politiques ont fait assaut de conviction. Sami Kanaan, conseiller administratif en charge de la Culture, a répété que, pour lui, il n’y avait pas de plan B, rejetant les projets d’agrandissement esquissés par les opposants. Et même François Longchamp, président du Conseil d’Etat, a pris la parole, ce qui est totalement inhabituel dans un événement municipal, soutenant l’accélération du processus.
Jean-Yves Marin, directeur des MAH, et Jean Claude Gandur, qui a créé en 2010 la Fondation Gandur pour l’art, ont témoigné de la complicité acquise au fil des années. Le collectionneur a signé, faut-il le rappeler, une convention, s’engageant à financer l’agrandissement à hauteur de 20 millions de francs, voire plus, tout en garantissant un prêt de 99 ans de ses collections.
En 2011, le Musée Rath avait permis d’apprécier une partie de ses toiles d’art abstrait européen de l’après-guerre. Et en 2001 déjà, bien avant toute convention donc, Reflets du divin donnait à voir une partie de la collection d’art égyptien de Jean-Claude Gandur, alors resté discret. On retrouve une partie de ces trésors dans Corps et esprits, mais dans un tout autre contexte. Autant les objets précieux de Reflets du divin étaient valorisés par la pénombre, autant l’exposition actuelle fait le choix de la clarté. L’horizon géographique s’élargit aussi puisqu’il s’agit cette fois de tout le bassin méditerranéen. Et surtout, en mêlant pour la première fois les collections Gandur et celles du MAH, on veut prouver les avantages qu’aurait leur fusion.
La présentation est d’une sobriété élégante. Dans la première salle, c’est dans une agora qu’on pénètre, accueilli par des statuettes, parmi les premières représentations en ronde-bosse de la figure humaine pour chacune des grandes civilisations méditerranéennes. Et ces petits personnages, idoles du Proche-Orient ou des Cyclades, figures masculines et féminines de l’Antiquité égyptienne, de terre ou de cuivre, d’ivoire ou de marbre, sont toutes aussi émouvantes. Suivent des visages, enfants ou vieillards, femmes et hommes, placés de chaque côté de la salle. Des siècles nous contemplent, pourrait-on paraphraser.
Dans la deuxième salle, place aux panthéons, avec des dieux plus ou moins animaux, plus ou moins humains. Certaines pièces sont très rares mais, surtout, d’une telle qualité qu’elles semblent nous offrir un petit rendez-vous avec l’éternité. Comme cet adorateur assis, de 20 cm de haut, sculpté dans l’albâtre il y a plus de 5000 ans en Syrie.
Jean-Luc Chappaz, conservateur en chef des collections archéologiques du MAH, rappelle une qualité essentielle des pièces du musée. Celles-ci sont liées à un intérêt scientifique genevois au long cours. Ainsi, il est ici rendu hommage au travail savant d’Edouard et Marguerite Naville, dont les archives ont été récemment offertes au musée. Les collections Gandur répondent peut-être plus à des préoccupations esthétiques, même si elles sont très documentées. L’exposition prouve qu’il n’est pas de réelle barrière entre ces manières de regarder le passé.
Corps et esprits, au Musée d’art et d’histoire, Genève. Jusqu’au 27 avril. www.ville-ge/mah
Les collections genevoises sont liées à un intérêt scientifique