Trois étages avec des salles sur quatre niveaux et 5000 m2 dédiés aux expositions, c’est le Centre Pompidou-Metz, un bâtiment construit sous une immense toile de tente plus grande qu’un terrain de football – une membrane textile de 8000 m2 fabriquée au Japon – dont les courbes recouvrent une superbe charpente en bois. Après la cathédrale Saint-Etienne de style gothique terminée au début du XVIe siècle, la phénoménale gare en néo-roman construite au début du XXe siècle sous l’annexion allemande qui devait être la porte monumentale de l’empire de Guillaume II, la ville de Metz (125 000 habitants) et son agglomération (430 000) viennent d’inaugurer le symbole de leur entrée dans le XXIe siècle.

Des passants contemplent le nouveau musée depuis le parvis en plan incliné qui le sépare de la gare. «C’est spécial, commente une dame, il y a du pour et du contre, mais c’est bien pour la ville, ça va la faire connaître, dites aux Suisses de venir nous voir.» Il faut encore deux heures quarante au minimum de Bâle à Metz pour les parcours les plus courts, et souvent plus de trois heures. Les TGV en provenance de Suisse par la ligne à grande vitesse ne s’arrêtent pas encore pour permettre aux voyageurs de faire une halte dans la journée avant de reprendre le train pour Paris. Cela viendra peut-être.

Le Centre Pompidou-Metz n’est pas un établissement de taille mondiale, comme celui de Paris, avec ses quelque 20 000 m2 destinés à la présentation des collections permanentes et aux expositions temporaires, ou la Tate Modern de Londres avec 15 000 m2. Mais c’est un établissement de taille européenne, dont les surfaces d’exposition sont légèrement supérieures à celles de la Fondation Beyeler de Riehen et du Mamco de Genève, le plus grand musée d’art contemporain de Suisse. Il s’appuie sur la première collection d’art moderne et contemporain d’Europe, celle du Centre Pompidou de Paris, qui réunit aujourd’hui environ 65 000 objets (peintures, sculptures, gravures, dessins, installations, etc.). On dirait que c’est une succursale si tous les protagonistes de cette décentralisation à la française n’affirmaient pas qu’il dispose d’une grande autonomie de gestion, bien que le président du musée parisien soit aussi président à Metz.

Depuis une dizaine d’années, les plus grandes institutions sont tentées par l’expansionnisme. La Tate de Londres possède une extension à Liverpool. Le Louvre devrait ouvrir à Lens en 2012 et mène aussi une énorme opération à Abu Dhabi. La Fondation Guggenheim est présente à Bilbao, à Venise ou encore dans l’émirat du golfe Persique. Malgré une rénovation à la fin du XXe siècle, le Centre Pompidou est un géant à l’étroit, il souffre de ne pouvoir présenter au public qu’une infime partie de ses trésors (environ 1500 dans les collections permanentes, qui sont renouvelées régulièrement). Le projet de Metz date de 2003. Il est prévu pour abriter un choix des collections de la maison mère et des expositions temporaires.

Le parti architectural est à la fois audacieux et sage. La coque extérieure est spectaculaire, le dispositif intérieur est simple. Outre un hall transparent censé éviter la coupure entre l’espace d’un quartier en voie d’aménagement, qui deviendra le deuxième centre de l’agglomération messine, et l’espace d’exposition du rez-de-chaussée en forme de trapèze, les trois étages sont constitués de trois longues salles rectangulaires ouvertes aux deux bouts sur le paysage et décalées les unes par rapport aux autres sur leur axe. Les circulations verticales, assurées par deux ascenseurs et par des escaliers, risquent de s’avérer un peu chiches si le succès régional est au rendez-vous et si le Centre Pompidou-Metz devient, comme c’est son ambition, une destination du tourisme culturel international.