Plamena Mangova cerne à merveille l’esprit des douze Préludes extraits de l’Opus 34 de Chostakovitch . Elle suggère l’ambivalence de cette musique, ni joyeuse, ni grave, dans un entre-deux qui laisse inconfortable. Elle varie l’accentuation, éclaire l’humour grinçant derrière l’écriture apparemment enfantine. Superbe.
La 3e Sonate en fa mineur de Brahms la confronte davantage à ses limites. Les accords qui ouvrent la sonate (redoutables, il est vrai!) manquent de puissance et d’éclat, comme s’ils n’étaient pas pleinement assurés. L’enchaînement des idées musicales n’est pas toujours très fluide et organique; la pianiste se montre un peu précautionneuse, en s’arrêtant et s’attardant sur telle résonance à la fin d’un épisode avant de repartir.
Son mouvement lent est très intériorisé. Les sonorités délicates, nimbées de mélancolie, l’étagement des registres et des plans sonores sont bien réalisés – même si le climax pourrait être plus ardent encore. Le scherzo dégage un bel d’élan. L’intermezzo est lunaire (à défaut d’être suffocant). Quand au mouvement final, il oscille entre élans d’inspiration et passages plus laborieux. Une interprétation imparfaite, pleine d’idées, en devenir.
Chaleureusement applaudie, la pianiste offre en bis le Nocturne en do dièse mineur opus posthume de Chopin, magnifiquement modelé (la main droite si chantante!). Puis elle joue Trois danses argentines d’Alberto Ginastera. Elle s’y libère complètement, prodigieuse d’incandescence et d’invention rythmique. Une artiste au fort tempérament à suivre.
Festival Amadeus, jusqu’au 7 sept. Rens. www.festival-amadeus.ch