A quelques exceptions près, dont Là-haut l’an dernier , la Croisette garde le souvenir de films d’ouverture qui, de Fanfan la Tulipe (version Luc Besson) à Da Vinci Code, semblent d’abord servir à rappeler à quoi le Festival de Cannes s’oppose: le cinéma industriel, impersonnel et marketé. Sans surprise puisqu’il est concocté par un Ridley Scott et un Russell Crowe pour qui l’idée de prendre des risques est devenue saugrenue, Robin des Bois, qui envahit simultanément les écrans mondiaux, remplit cette fonction exutoire. Mais d’une manière qui, présentée dans l’antre de la cinéphilie, confine à la provocation. Ou, plus sûrement, connaissant l’intelligence et l’ironie fine du délégué général de la manifestation Thierry Frémaux, à la stratégie militaire: connais ton ennemi pour mieux le combattre.

Car cette énième transposition de la légende de Robin des Bois prétend dépouiller le mythe des oripeaux et artifices si profondément ancrés depuis, au moins, l’interprétation d’Erroll Flynn (1938). Retour au réalisme, donc, avec un dossier de presse, plein de dates et de faits plus ou moins établis, qui fait capituler tout esprit critique, du moins chez les journalistes qui auront tôt fait d’en reproduire le contenu.

Caricatural

La bonne blague! Dans ses meilleurs moments, Ridley Scott égale l’humour du Sacré Graal des Monty Python. Sauf que, dans son cas, c’est involontaire. A vouloir refaire Gladiator dans la Grande-Bretagne automnale de 1215, le cinéaste n’en est pas à une liberté près. Il affirme rien moins que Robin a sauvé la Perfide Albion des sinistres «frogs», ces bouffeurs de grenouilles de Français. Caricatural d’un bout à l’autre, ce Robin des Bois réussit à empêcher Cate Blanchett ou Max von Sydow d’être crédibles. Et ça, il faut le faire.

Encore que ce soit bel et bien le programme politique du film: balancer des marmites d’huile bouillante sur toute ambition artistique. Après tout, ce Robin des Bois , si symptomatique d’une machine promotionnelle qui va prendre aux pauvres spectateurs pour donner à ses riches producteurs, ne raconte-t-il pas l’histoire d’un brave qui défend les Anglo-Saxons contre la France et sa satanée exception culturelle. Robin des Bois est passé à l’ennemi. A Thierry Frémaux de décocher les flèches dans la bonne direction durant ces dix prochains jours.

Robin des Bois (Robin Hood), de Ridley Scott (GB, USA 2010), avec Russell Crowe, Cate Blanchett, Max von Sydow, William Hurt. 2h20.