Une campagne sans tambour ni trompette. Hormis sur le revenu de base, sujet très mobilisateur notamment sur les réseaux sociaux, les quatre autres objets fédéraux soumis au vote de dimanche n’ont provoqué ni hyperactivité, ni débats flamboyants. Le manque d’allant a été frappant s’agissant des deux référendums, celui lancé par l’UDC contre la modification de la loi sur l’asile et celui du Parti évangélique (PEV), soutenu par les associations de défense des handicapés, contre la loi sur la procréation médicalement assistée (PMA). Et avant la publication du premier sondage sur les intentions de vote, l’initiative «En faveur du service public» avait également peu mobilisé les énergies. Manque de moyens, essoufflement des troupes, enjeux tactiques, associations économiques ou syndicales absentes de la campagne: les raisons se sont conjuguées pour entretenir le calme.

«De manière générale, l’animation des campagnes est une question de moyens humains et financiers. Or plus un parti ou un groupement lance de référendums et d’initiatives, plus il mobilise de forces pour récolter des signatures, plus il lui sera difficile de rester présent lors de la campagne. Il existe un vrai risque d’épuisement des militants et des élus. Même pour un parti aux reins aussi solides que l’UDC, les ressources ne sont pas inépuisables», commente Pascal Sciarini, professeur à l’Université de Genève.

Essoufflement des ressources

Cette analyse s’applique parfaitement à la campagne contre le diagnostic préimplantatoire (DPI): ni le PEV, ni les ONG ne possèdent des ressources importantes, ils s’étaient fortement mobilisés il y a une année déjà dans la campagne contre l’article constitutionnel qui a ancré le principe des tests génétiques sur les embryons dans la Constitution. «Financièrement, nous n’avons pas les moyens des partis, des organisations économiques ou des machines syndicales», confirme le conseiller national Mathias Reynard (PS/VS).

Comment toucher les électeurs?

Mais cet argument n’explique pas tout: «L’argent joue un rôle, mais ce n’est pas suffisant. Pour faire une bonne campagne, il faut une rencontre entre les moyens et un sujet qui touche les gens», comme l’asile, juge le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS). La retenue dont l’UDC a fait preuve suscite l’incompréhension de l’élu: «Je reste sur ma faim car je n’aime pas perdre.» Pour lui, «du moment que l’on avait pris la décision de lancer un référendum, il fallait l’assumer jusqu’au bout. On ne mobilise pas les militants le samedi sur les marchés pour aller chercher les signatures pour ensuite jouer petit bras».

Jean-Luc Addor prédit des discussions internes animées après la défaite de dimanche. Mais le conseiller national estime aussi que le problème dépasse cette campagne-ci: «Les partis, comme les organisations citoyennes ou professionnelles, doivent s’interroger sur la manière de mener campagne aujourd’hui. Les affiches et les annonces suffisent-elles? Comment attirer le public vers les débats? Dans quelle mesure miser sur les réseaux sociaux? L’enjeu, c’est de savoir comment on touche les électeurs.»

Un échec pour l’UDC donc? Pas si simple. «L’objectif n’était pas forcément de l’emporter dans les urnes, mais d’occuper le terrain politique et de progresser dans les têtes, estime le politologue Bernard Voutat, professeur à l’Université de Lausanne. Au fond, pourquoi l’UDC ferait-elle campagne, puisque ses adversaires la font à sa place, y compris à gauche, en reconnaissant le «problème des migrants». Pour l’UDC, quel que soit le résultat, c’est du pain béni. Et cela lui permettra de rebondir par la suite en arguant «qu’elle avait bien dit que la loi ne résoudrait rien». Pascal Sciarini fait la même analyse: «Le coût de la défaite est supportable.» Le référendum aurait essentiellement joué un rôle tactique pour préparer les élections fédérales de 2015.

En revanche, la question de l’image est entrée en ligne de compte d’une autre manière. «Pour les partis, il y a plus grave que la défaite: montrer leurs divisions internes, juge Pascal Sciarini. Je pense que la fracture au sein des partis de gauche comme de droite a rendu difficile de mener campagne sur le DPI.» Mathias Reynard l’admet volontiers: «Lorsque les engagements sont individuels et non ceux d’un parti, il y a plus de retenue.»

Lassitude démocratique

Reste l’éternelle question de la lassitude et de la fatigue démocratique devant l’inflation des objets de votations (cinq sujets dimanche, mais treize à Genève, idem en février dernier): trop de votes tue-t-il le vote? Pour Bernard Voutat, l’augmentation – en particulier du nombre d’initiatives – est notamment due «à une plus grande polarisation de la vie politique et à la nécessité d’exister dans le jeu politique».

A partir des années 1990, l’UDC a donné le ton. Mais depuis les dernières élections, le PS entend lui aussi mener une politique d’opposition visible à l’aide des droits populaires: il a déjà lancé une initiative sur la transparence du financement des partis et menace de lancer deux référendums contre la RIE III, ainsi que l’élargissement des horaires d’ouverture des magasins. Pure tactique? «L’imposition des entreprises et l’ouverture des magasins sont des éléments centraux de la politique du parti, rétorque Mathias Reynard. Ils ne peuvent pas être abandonnés.»


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