Philip Samartzis est un genre de pêcheur. Sauf que ses appâts à lui sont des micros et des lacs, généralement recouverts de glace. L’Australien est éco-acousticien: il se rend dans les régions les plus reculées du monde pour y capter des sons. Les craquements d’un iceberg, le souffle du blizzard ou les pales d’un hélicoptère deviennent autant d’instruments pour ses compositions. Des œuvres qui documentent les mutations environnementales, l’impact de l’homme et donnent ainsi un écho artistique aux préoccupations climatiques.

Même si le covid le cloue à Melbourne, où il enseigne à l’université, Philip Samartzis fera tout de même chanter la nature dans les Alpes suisses cet été. A l’initiative de la Fondation Verbier 3-D, organisation qui invite l’art contemporain sur les hauteurs de la station, Philip Samartzis a imaginé une balade sonore d’une heure et quart sur le thème de l’eau.

«C’était une manière d’associer les paysages alpins et l’environnement qui se réchauffe, souligne l’artiste. Mais aussi jouer avec la beauté de l’eau, cette substance complexe et multiforme.» Piochant dans ses archives, Philip Samartzis a ainsi panaché des enregistrements réalisés en Antarctique, dans l’océan Austral mais aussi l’Oberland bernois, arpenté pour un précédent travail.

Chutes de pierres

La secousse tonitruante produite par un brise-glace percutant un iceberg ou les grondements de la fonte du permafrost sur les flancs du sommet du Mönch… «Ce n’était pas une avalanche mais le terrain s’érodait et je dansais avec mon micro pour éviter les chutes de pierres!» Des sons puissants, jamais modifiés en post-production – seuls le choix du micro, la patience et l’audace comptent.

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Casque sur les oreilles au fil d’un parcours de 5 km sur les hauts de Verbier, entre les Ruinettes (en haut de la télécabine) et de la Croix-de-Cœur, les promeneurs s’immergent dans ces paysages sonores tantôt calmes, tantôt accidentés. Construite en 15 mouvements ponctués de photographies de l’artiste, la balade invite à expérimenter et penser l’environnement autrement. «L’image est certes didactique, mais je crois que le son, plus puissant, touche profondément les gens en laissant leur imagination faire le travail, note Philip Samartzis. La poésie est une autre manière de mobiliser.»


«Eco Acoustics: Listening to a Changing Environment», promenade sonore au-dessus de Verbier, du 26 juin au 10 octobre. Retrouvez tous les articles de la rubrique «Un jour, une idée».