Les citoyens des pays dits tempérés qui se morflent des étés pourris. Ailleurs, le dérèglement climatique qui commence exerce déjà ses ravages sur des populations innocentes. Sur la «mappemonde de voyages imaginaires», Matthias von Gunten (Ein Zufall im Paradies, Max Frisch, citoyen) a choisi deux destinations follement exotiques que des milliers de kilomètres séparent: Thulé, au Groenland, et les Tuvalu, dans le Pacifique. Soit Bob Morane (Mission pour Thulé) et Robert Louis Stevenson (Voyage de la «Janet Nichol»)…
Il y a vingt ans encore, à Thulé, la mer gelait dès octobre. Cette année, ça a été en janvier seulement. La chasse traditionnelle et les communications se font plus difficiles. Les chiens ont moins de traîneaux à tirer, un jour prochain il faudra s’en débarrasser…
La glace qui fond au nord, c’est de l’eau qui monte au sud. La situation des Tuvalu, dont le point culminant se situe à 4 mètres au-dessus du niveau de la mer, est extrêmement préoccupante. Les vagues rongent la terre. Le sel pénètre les nappes phréatiques. Les arbres meurent, les terres cultivables disparaissent. Les habitants croient que Dieu leur viendra en aide; d’autres, plus pragmatiques ou plus aisés, émigrent en Nouvelle-Zélande.
Carpaccio de narval
La gravité de la situation n’est pas proportionnelle à la grandeur du film. Le documentariste bâlois fait correctement son boulot. Il rencontre les gens, il observe leurs traditions, chasse et pêche, fabrication d’une pirogue à balancier, franchissement d’une crevasse. Mais tout ceci est bien sage. Le contraste de la glace et de l’eau ne fait pas plus sens que ça et ThuleTuvalu donne l’impression de deux reportages utiles entremêlés pour faire un film.
Les Inuits ont harponné un narval. Ils le hissent sur la banquise, le dépècent et s’offrent un en-cas. Avec quoi assaisonnent-ils leur carpaccio? De l’aromate Knorr… O mondialisation!
V ThuleTuvalu, de Matthias von Gunten (Suisse 2014). 1h36.