Le concert de l’An des Amis de l’OSR est toujours un rendez-vous attendu. Cette soirée accueille traditionnellement des artistes prestigieux, dignes de l’engagement des donateurs de l’orchestre. Cette fois, c’est la jeunesse qui a été choisie comme symbole de talent en devenir et de pari sur le futur. Mercredi soir, le Victoria Hall comble, dégoulinant de fleurs sous des bulbes stylisés d’églises orthodoxes, a affiché un programme russe. Tchaïkovski (Capriccio italien), Borodine (Danses polovtsiennes) et Khatchaturian (la Suite d’orchestre Spartacus) ont investi les lieux. De façon très inégale. Car pour les défendre, la renommée grandissante du très jeune chef Ilyich Rivas n’a malheureusement pas suffi à convaincre dans le choix très clinquant de ces pièces faites pour scintiller.

A 22 ans, le Vénézuélien n’est pas sorti des rangs du fameux Sistema. Il ne vient pas des bidonvilles de Caracas. La longue lignée de musiciens dont il est issu (le papa, aussi chef, préfère aujourd’hui coacher son rejeton) a forgé sa carrière menée tambour battant. Sa direction, de son côté, ne fait ni dans la finesse musicale, ni dans la sensualité sonore, ni dans la sensibilité artistique. Si tout éclate sous une baguette qui se veut toscaninienne, c’est dans la nervosité, la sécheresse, et une forme d’électricité gestuelle qu’Ilyich Rivas conduit ses troupes. Il faudra des années pour arrondir tout cela et enrichir une palette de couleurs encore en noir et blanc.

L’aînée de la soirée décompte trente-trois printemps. Les rondeurs de sa maternité épanouie soutiennent son violoncelle avec bonheur. Alisa Weilerstein en a paru comme doublement habitée dans de vibrantes Variations sur un thème Rococo de Tchaïkovsky, offertes avec une ardeur et une malléabilité de jeu éblouissantes. Dans la Sarabande de la 3e Suite de Bach donnée en bis, la violoncelliste a encore flirté avec les anges, sur un échange tout de charme et de délicatesse.

Et puis, il y a eu une surprise. Quatorze ans, un visage poupin aux yeux bridés, un ancrage et un sérieux impressionnants: le «petit» Daniel Lozakovitj est venu interpréter la Valse scherzo Op.34 et la Méditation du Souvenir d’un lieu cher de Tchaïkovski. Un moment inattendu de pur étonnement. Devant tant d’évidence, de sécurité, d’intensité, de savoir-faire et d’expérience musicale faisant déjà office de maturité de vie, on ne peut que rester saisi. Les mécènes qui soutiennent la carrière de cette étoile montante du violon ont élu un phénomène prometteur. Un violoniste de la trempe de Maxim Vengerov, pour peu que la justesse de son intonation s’affine encore.