Dans son dernier disque, suite onirique du Realism Magic de 1983, le trompettiste cumule les nostalgies. Celle, surtout, d'un islam d'avant le drame; longues citations du mystique Rumi en préface, car chacun sait que le soufisme pour le baba cool cosmopolite ne saurait être que la seule face envisageable de la religion du Prophète. Nostalgie aussi d'un monde où les cultures se jetaient des ponts parmi, avec le sourire et sans ambition de conquête. Quand, déjà? Voici pour le tréfonds philosophique. Quant à la musique, elle incarne tout le paradoxe hasselien. Obsession de l'électronique contemplative, née d'un dégoût de la modernité. Les nappes asphyxiantes affadissent toutes les formes de la musique indienne, de la musique arabe, tout ce qui est beau au-delà de l'Europe est passé au mixeur d'un ethnocentrisme confiant. Le chanteur tunisien Dhafer Youssef joue au muezzin bazardé. Paolo Fresu s'enfouit dans un modalisme dont la grandiloquence surpasse les toiles orientalistes de Delacroix. Bref, de la musique de vieux jeuniste déçu par son temps.
World. Jon Hassel, hippie à pistons
Le trompettiste américain fond dans sa marmite new age ses trouvailles électro.
Jon Hassel. Maarifa Street (Label Bleu 6674/RecRec)
Ils reviennent de loin. Jon et ses amis, bataillon de hippies qui ont appris la musique indienne auprès de maîtres goinfrés de sagesse millénaire. Ils forment une famille distendue, Brian Eno, Ry Cooder et, dans une certaine mesure, Bill Laswell. Qui tous haïssent cette époque dont les révolutions paraissent bien loin de celles escomptées. Hassel en tête, né à Memphis, patrie du rock'n'roll déhanché.