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Au far°, à Nyon, le photographe a invité le public à une expédition-expo les pieds dans l’eau. Sous le signe de La Parade, le rendez-vous nyonnais continue à balader les spectateurs ce week-end avec Massimo Furlan et Nicole Seiler

L’Amazonie, comme si vous y étiez, à Nyon
Festival Au far°, le photographe Yann Gross invite le public à une expédition-expo les pieds dans l’eau
Sous le signe de La Parade, le rendez-vous nyonnais continue à balader les spectateurs ce week-end avec Massimo Furlan et Nicole Seiler
Regarder un spectacle, assis dans une salle, vous tétanise? Allez vous remuer au far° Festival des arts vivants, à Nyon. Une bonne partie des projets de ce rendez-vous contemporain placé cette année sous le signe de La Parade partent en balade (cf. encadré). Et même à l’aventure dans le cas de Radio-Amazonie, du photographe-ethnologue Yann Gross. Bottes de pluie aux pieds, lampe de poche au poing, les spectateurs se lancent, de nuit, à l’assaut du Cossy. Une petite rivière qui, bien sûr, n’est pas le fleuve Amazone. Mais offre tout de même suffisamment de vasques profondes et de reliefs accidentés pour représenter un mini-défi. On vacille, on rit, on a de l’eau glacée plein les bottes et pourtant on crève de chaud. On regarde aussi. On écoute encore. Et on réfléchit.
Car la remontée du Cossy, même périlleuse pour le citadin moyen, n’est pas le seul objectif de la soirée. Yann Gross a imaginé cette virée Indiana Jones pour nous rapprocher des populations péruviennes, colombiennes et brésiliennes qu’il a rencontrées et photographiées lors de son séjour en Amazonie. Un voyage de cinq semaines en bateau dont il a ramené des clichés surprenants. Des portraits intentionnellement très posés où les Indiens jouent avec la double identité. Ils arborent peintures et masques indigènes dont ils savent qu’ils flattent le désir d’exotisme des touristes. Tout en portant shorts, maillots de foot et complets-veston qui, eux, flattent leur désir de participer à la fièvre mondialiste.
Disposées dans des caissons lumineux, ces images en grand format trônent au bord de la rivière, parmi les buissons, en écho la végétation de la forêt vierge. Une mise en abîme habile, même si les frondaisons locales n’ont pas la luxuriance des espèces tropicales…
Yann Gross, c’est sûr, s’inscrit dans la tradition suisse des artistes voyageurs. Il en a le zèle et la curiosité. La preuve avec l’émission de radio qui est encore mise à la disposition des spectateurs via un MP3 que l’on écoute comme on peut, tandis qu’on se tord les pieds sur les pierres ou que l’on se rattrape in extremis au bras du plus proche partenaire. L’émission? Une très jolie voix féminine à l’accent latino se présente comme la voix de la forêt. Puis raconte l’Amazonie. Sa réalité, les chercheurs d’or, le boum et le déclin pétroliers, les rivières polluées, le concours de Miss Amazonie, etc. Et ses traditions. La coutume plutôt musclée du pelazon, par exemple. Un rite de passage imposé à des jeunes filles après leurs premières règles. Comment elles sont contraintes de rester cachées pendant près d’une année. Comment elles sont préparées à la fête de leur émancipation par leur mère. Comment elles boivent et dansent trois jours durant. Et comment un satyre au sexe dressé – un personnage que l’on voit en photo – les poursuit et leur arrache les cheveux. Car, dit le sage, si les jeunes filles peuvent supporter cette douleur, elles pourront supporter les douleurs de l’accouchement. Aujourd’hui, le rituel a été adouci. Les cheveux sont simplement coupés au terme de la cérémonie…
Ce récit capte suffisamment notre attention pour qu’on l’écoute religieusement. Mais alors, ce sont les photos sur les bas-côtés qui se sont estompées. On a beau être multitâche, difficile de remonter un cours d’eau de nuit, tout en regardant des clichés lumineux et en écoutant des histoires passionnantes sur la vie en Amazonie. Il y a embouteillage d’informations. Et le tri, nécessaire, renvoie aux choix que tout touriste responsable et futé doit faire.
Ce mercredi soir, il y a aussi embouteillage de spectateurs. C’est que le projet de Yann Gross, qui s’est déjà illustré en saisissant les motards valaisans et les skaters ougandais avec le même aplomb, fait sensation. Et les amateurs-aventuriers se pressent au portillon pour les dernières expéditions. Du coup, sans qu’il y ait véritablement de guide hurlant ses consignes, le joyeux troupeau pataugeant et titubant que nous constituons fait penser à ces tours organisés qui remontent le fleuve Amazonie par paquets. Le clin d’œil est coquet.
Mais encore. Ce qui frappe dans chacune de ces propositions insolites, c’est la rapidité avec laquelle on est déstabilisés, démunis. Dans une précédente édition du far°, le Français Philippe Quesne nous avait emmenés au bord d’un étang et là, il s’agissait de voguer dans des canots gonflables pour des photos souvenirs. Rien de périlleux, et, pourtant, le froid, l’humidité ambiante, la nuit… L’exotisme n’est pas forcément affaire de pays lointains pour nous, citadins (très) moyens!
Et ce qui est vrai pour le projet de Yann Gross l’est aussi pour Wilis , promenade en forêt signée Nicole Seiler sur les pas du ballet Giselle à découvrir encore ce soir. Ou Listen to the Brass Night , trajet en train de Nyon à Saint-Cergue orchestré ce soir et demain soir par Massimo Furlan… Le far° parade, suivons-le le pied léger. far° Festival des arts vivants, Nyon, jusqu’au 23 août, 022 365 15 50, www.festival-far.ch
On vacille, on rit, on a de l’eau glacée plein les bottes et pourtant on crève de chaud. On regarde aussi