SONDAGE EXCLUSIF - Que pensent les Suisses de leur prévoyance en 2021?
Retraites
Les 1224 personnes qui ont été interrogées par M.I.S. Trend pour «Le Temps» entre le 17 et le 25 juin sont de moins en moins à penser pouvoir maintenir leur niveau de vie à la retraite. Voici leurs réponses aux dix principales questions qui leur ont été posées
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Berne, nous avons un problème! La confiance envers le système de prévoyance envoie des signaux d’alarme. Une majorité des 1124 Suisses interrogés lors du sondage du Temps mené par l’institut de recherche M.I.S. souscrit à l’idée d’un vol des rentes (64,6%). La plupart des sondés gardent certes leur confiance dans le système. Mais dans le détail les critiques fusent, car leur situation se dégrade. Ils ne sont que 35,2% à s’estimer «tout à fait» ou «assez» couverts, contre 40% lors du sondage de l’an dernier. Au sein des foyers modestes, 20% déclarent vouloir travailler plus longtemps que l’âge légal, contre 16% pour les plus aisés. Les inégalités s’accroissent. D’ailleurs 22% des revenus inférieurs se préparent à une retraite anticipée, contre 33% des ménages aisés.
L’AVS est perçue comme le plus vulnérable des trois piliers. Or l’initiative des syndicats exigeant une 13e rente accroît les prestations plutôt que la solidité financière de cette assurance sociale. Au vu du sondage, il est permis de s’interroger sur sa pertinence. D’ailleurs, le doute sur son avenir est confirmé par le fait qu’une très petite minorité de sondés prévoit que le système de répartition ne sera guère modifié ces vingt prochaines années.
Baisse du train de vie en vue
La prévoyance professionnelle ne suscite qu’à peine plus d’enthousiasme. Or si la baisse du taux de conversion, proposée par le Conseil fédéral et les partenaires sociaux, n’est contestée par aucun parti, la mesure est extrêmement impopulaire. Les trois quarts des Romands (73,4%) la qualifient de vol ainsi que 70% des seniors (45 à 65 ans). Le but de la réforme discutée à Berne consiste à ramener ce taux de 6,8 à 6%. Mais 85% des institutions de prévoyance n’offrent que 6% ou moins, selon l’enquête de Swisscanto.
Le 3e pilier, celui de la prévoyance individuelle, est le plus populaire. D’ailleurs, il s’avère de plus en plus nécessaire pour maintenir le niveau de vie à la retraite, un but inscrit dans la Constitution suisse (article 111). Ils sont 64% à investir dans le 3e pilier ou dans une autre forme d’épargne, contre 61% l’an dernier.
Mais qui peut épargner et combien? A peine 20,2% des Suisses sont d’avis que le niveau de vie ne baissera pas à la retraite. Comme les taux d’intérêt ne remontent pas en Suisse, les caisses de pension ne sont guère enclines à modifier ce paramètre clé. Les Romands, les femmes, les seniors et la gauche sont les plus inquiets à ce sujet. Seuls 12,2% des Romands pensent garder leur train de vie.
Mesures d’économie
Non seulement la rente ne suffira pas au maintien du standard de vie, mais les mesures d’économie se précisent. Interrogés sur leur avenir en tant que propriétaires, ces derniers craignent de plus en plus de devoir vendre leur bien. Pour la catégorie la plus concernée, les plus de 45 ans, le pourcentage grimpe à 45% à le craindre «beaucoup» ou «un peu». Les propriétaires qui se considèrent de classe modeste sont logiquement les plus à risque (57%).
Le souci financier amène les sondés à privilégier la solidité aux placements éthiques. La question est en soi un peu trompeuse dans la mesure où les placements durables offrent un rendement de qualité supérieure à la moyenne, selon de nombreuses études. Mais il est assez symptomatique que 67,6% des Romands déclarent que la solidité des rentes importe davantage que les critères de durabilité (20,3%). Les jeunes ont la même opinion sur ce point que les seniors, alors qu’en principe les thèmes climatiques y sont davantage populaires qu’auprès des plus âgés. Même les représentants de la gauche placent la solidité financière devant la durabilité.
Le désir de durabilité des placements est pourtant réel. En effet, 50,9% des sondés souscrivent aux placements qui respectent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, même si cela signifie une baisse des rentes de 5%. Un cinquième des sondés accepterait même une diminution de 10% de la retraite
■ De manière générale, avez-vous confiance dans le système de prévoyance retraite en Suisse?
L’avenir des retraites préoccupe les Suisses. Mais au total, 61,6% des personnes interrogées ont «assez» ou «beaucoup» confiance dans le système de prévoyance avec ses trois piliers. Les jeunes (15 à 29 ans) sont particulièrement sceptiques. En effet, 40,8% d’entre eux (30,6% des 45 à 65 ans) avouent ne pas vraiment lui accorder leur confiance.
■ Le système de prévoyance retraite en Suisse est basé sur trois piliers. Pour chacun, veuillez indiquer votre niveau de confiance par rapport à sa solidité financière
L’opinion diverge fortement selon le pilier dont on parle. Les personnes interrogées sont particulièrement confiantes à l’égard de la prévoyance individuelle, le 3e pilier. Ils sont à 74,3% dans ce cas. La prévoyance professionnelle arrive au 2e rang avec 67% et à peine 59,6% à l’égard de l’AVS (contre 61% en 2020). La plus forte variation annuelle, à la baisse, concerne donc le premier pilier. Ces résultats ne manquent pas de piquant au moment où une initiative syndicale entend offrir une 13e rente AVS.
■ Pensez-vous que le système de l’AVS tel qu’il existe aujourd’hui sera toujours en vigueur dans 20 ans?
Les Suisses, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, de droite ou de gauche, sont largement d’accord pour affirmer que l’AVS subira des changements significatifs d’ici vingt ans. La majorité (57,6%) prévoit «beaucoup» de modifications et elle s’est renforcée en un an (54% en 2020). Ils sont même 23% (22% l’an dernier) à anticiper que l’AVS n’existera plus dans vingt ans.
■ Suite à la pandémie, diriez-vous que votre confiance envers le système de prévoyance retraite a…
Les Suisses avouent que leur confiance est restée généralement inchangée envers le système de retraite durant la pandémie. Mais ceux qui ont revu leur opinion l’ont avant tout abaissée (37,4%) alors que seulement 5,3% l’ont revue à la hausse. La détérioration est surtout fonction de l’âge plutôt que des critères de genre, de région ou de politique. Ils sont 44,4% au sein des 15 à 29 ans à exprimer un doute accru sur le système.
■ Pour chacun des réformes possibles ci-dessous du système de prévoyance retraite en Suisse, veuillez indiquer si vous y êtes favorable ou non
Face aux réformes proposées, les Suisses privilégient un taux de cotisation égal pour toutes les classes d’âge. En pratique, cela aurait le mérite de ne pas pénaliser les seniors sur le marché du travail. Par contre, l’augmentation de l’âge de la retraite est très impopulaire, surtout au Tessin, chez les plus âgés et à gauche de l’échiquier politique. Par contre, les jeunes comprennent-ils mieux qu’une hausse de l’espérance de vie conduit logiquement à un renvoi de l’âge de la retraite? Ce sont les moins opposés à cette mesure. La baisse du taux de conversion est également mieux acceptée par les Alémaniques que les Romands, par les jeunes que les seniors et la droite que la gauche.
■ De manière générale, est-ce que les revenus que vous toucherez à votre retraite vous préoccupent ou non à l’heure actuelle?
Relativement confiants envers le système de prévoyance, les Suisses n’en sont pas moins inquiets pour leurs rentes. En effet, 61,1% sont «assez» (43,4%) ou «beaucoup» (17,7%) préoccupés par leurs revenus futurs. Le degré d’inquiétude est très proche si l’on considère les régions, les genres, l’opinion politique et l’âge.
■ Lorsque vous prendrez votre retraite, pensez-vous, à l’heure actuelle, que vous toucherez suffisamment pour maintenir votre niveau de vie ou que vous devrez réduire votre train de vie?
Les craintes de ne pas pouvoir maintenir son niveau de vie à la retraite s’accentuent. Les sondés ne sont que 20,2% à penser le conserver, alors que 45,1% devront probablement le diminuer, et 31,1% certainement l’abaisser. Les Romands, les femmes, les seniors et la gauche sont les plus inquiets à ce sujet. Seuls 12,2% des Romands pensent garder leur train de vie.
■ Selon vous, la priorité des caisses de pension doit être avant tout d’observer de manière stricte les critères du développement durable et d’investir dans les entreprises qui les respectent ou alors d’investir en veillant avant tout à la solidité financière des retraites?
Les considérations financières passent avant les critères éthiques si l’on considère que pour 59,8% des personnes interrogées (67,6% chez les Romands), la solidité des rentes importe davantage que les critères de durabilité. Les jeunes ont la même approche que les seniors. Même les représentants de la gauche placent la solidité financière devant la durabilité.
■ Compte tenu des baisses de taux de conversion des rentes depuis plusieurs années, certains considèrent que l’on assiste à un «vol des rentes». Vous-même, partagez-vous plutôt cette opinion ou considérez-vous plutôt que ces baisses de taux sont nécessaires pour assurer le système?
Les deux tiers des personnes interrogées (64,6%) considèrent que la baisse continue du taux de conversion, soit du taux auquel l’avoir de vieillesse est transformé en rente, est un vol. Le fossé entre Romands et Alémaniques est marqué puisque 73,4% des premiers parlent de vol, contre 61,1% des seconds. Les femmes et les seniors partagent le plus nettement ce jugement négatif.
■ A l’heure actuelle, craignez-vous de devoir vendre votre maison ou appartement à la retraite en raison d’une rente vieillesse trop basse?
Au sein des 367 propriétaires interrogés, le financement de leur investissement dans la pierre paraît très incertain. En effet 53% des Romands craignent «un peu» ou «beaucoup» de devoir vendre leur maison à la retraite (39,9% en moyenne suisse). Pour la catégorie la plus concernée, les plus de 45 ans, le pourcentage grimpe à 45,1% à le craindre «beaucoup» ou «un peu». Les foyers modestes sont logiquement les plus à risque (57%).