La politique économique du Royaume Uni irrite Bruxelles et paraît souvent incompréhensible aux yeux de Paris et Berlin. Elle est d’autant plus critiquée que le bilan économique de David Cameron depuis 2010 est plus convaincant que celui d’autres leaders. Le PIB devrait croître de plus de 2,5% cette année et le taux d’emploi est proche du plus haut historique. Le principal succès de David Cameron a été de permettre la création de plus de 2 millions d’emplois alors qu’il réduisait 600 000 postes de fonctionnaires.

L’Angleterre a pourtant commis quantité d’erreurs depuis 1900, si on en juge par leurs conséquences économiques, ainsi que le montrent le journaliste Peter Clarke et l’essayiste Robert Miller, dans un travail de recherche publié par l’Institute of Economic Affairs («The UK’s thirteen worst economic policy mistakes since 1900»).

Le regard historique livre d’intéressants enseignements et contredit l’idée selon laquelle un pays ne répète pas ses erreurs. L’Allemagne, qui a subi une terrible phase d’hyperinflation dans l’entre deux guerres, refuse tout risque d’inflation. Mais le Royaume Uni, qui a souffert, en 1931, d’une grave crise provenant d’un taux de change surévalué, n’a cessé, selon les auteurs, d’être «littéralement obsédé par le taux de change». Les compétences économiques des conservateurs en ont logiquement et durablement souffert», selon l’étude.

La liste des 13 erreurs met en exergue deux sources d’inspiration aux effets dramatiques, le rejet de l’individualisme libéral (erreurs 1,2 et 4) et la faiblesse des gouvernements conservateurs entre 1951 et 1964. La liste est la suivante:

1.1906 : Le gouvernement libéral décide la création d’organisations syndicales en tant que corps protégés largement exemptés des obligations légales. «Aucun autre Etat n’avait placé une caste au-dessus des lois auparavant», selon l’étude.

2. 1908-1911: Le Royaume Uni introduit en 1908 un système de retraite pour les employés de plus de 70 ans. Les bénéficiaires devaient vivre dans le pays depuis au moins 20 ans, ne pas être allé en prison depuis 10 ans, ni être ivrogne. Et en 1911, il crée un système d’assurance chômage et maladie, la «National Insurance». Depuis cette époque, l’État social a cru de façon excessive, provoqué le surendettement des Etats et réduit les incitations à la responsabilité individuelle. Il a créé une éthique de dépendance que n’a pas manqué de dénoncer The Economist à l’époque déjà.

3.1925 : William Churchill revient au standard or à la parité d’avant la première guerre (4,86 dollars). La décision engendre une crise de six ans. Keynes a été l’un des rares à s’opposer à cette décision qu’il qualifiait de précoce.

4. 1932 : L’introduction d’un tarif douanier de 10% par Neville Chamberlain marque la fin libre échange et le retour au mercantilisme. Les trois principaux partis ont soutenu cette mesure.

5. 1945-79: La nationalisation de l’industrie (charbon, électricité, gaz, transports) a été la principale mesure du gouvernement travailliste d’après-guerre. Il a fallu l’arrivée de Margareth Thatcher en 1979 pour lancer une «contre-révolution».

6. 1945-2015: La loi sur l’aménagement du territoire de 1947 a été un haut fait du socialisme, selon l’étude, en définissant la nature et le lieu des immeubles du pays. «La planification est une taxe sur la croissance», avancent les auteurs. En effet, le Royaume Uni n’est guère moins centralisé que la France.

7.1945-79: L’expérience britannique avec la planification a été aussi riche que désastreuse. Lorsque le gouvernement a publié son «plan national», en 1965, le nombre de copies a d’ailleurs été incapable de satisfaire la demande…

8.1960-2015: L’aide au développement cherche à encourager la prospérité, mais «la participation de l’État n’est ni nécessaire, ni suffisante», affirment les auteurs. Ceux-ci affirment que l’aide consiste en «un transfert financier des pauvres vivant dans les pays riches aux riches vivant dans les pays pauvres».

9.L’âge d’or du keynésianisme de 1950-1960. Il suppose que le chômage naît d’une trop faible demande. Entre 1950 et 1969, le taux de chômage n’a pas dépassé 1,6%, mais la croissance a été très inférieure aux autres pays européens et aux Etats-Unis.

10. 1945-79: Le taux marginal d’imposition le plus élevé a parfois dépassé 90%, l’un des plus élevés au monde. Le gouvernement Thatcher l’a ramené à 40%.

11.1970-75: Les années d’inflation (26,9% en août 1975) sont le résultat de l’incompétence d’Anthony Barber et de Ted Heath.

12. 1990 : L’entrée dans le Mécanisme de change européen à un cours de 2,95 marks résulte de la politique pro-européenne des conservateurs. La livre était alors surévaluée. Il en résulta une récession et la fin du gouvernement Thatcher. Gordon Brown en tira la leçon et refusa de joindre l’euro.

13. 2000-08: La crise financière est le fruit d’une formidable expansion du crédit et de ses effets pervers sur l’allocation des fonds.

L’Institute of Economic Affairs, le plus grand laboratoire d’idées britannique, lance ces jours son plus grand projet de son histoire, l’initiative Parangon. Il se lance dans l’analyse complète des politiques et des structures de l’État à travers de nombreuses publications et conférences. Une source d’inspiration pour la Suisse?