2014, un bon cru pour les bas salaires
négociations salariales
En moyenne, les revenus nominaux devraient progresser entre 0,9 et 1,2% l’an prochain. En termes réels, la hausse de 0,6% sera toutefois inférieure aux trois années précédentes. En cause, la fin du recul de l’inflation. Les employés les moins bien lotis profiteront en revanche de l’adoption toujours plus fréquente de salaires minimaux par les entreprises et certaines branches
L’année 2014 se profile comme un bon millésime pour les collaborateurs d’une majorité de branches en Suisse. En moyenne, les salaires nominaux devraient progresser entre 0,9 et 1,2% l’an prochain, prévoient respectivement UBS et le cabinet de conseil saint-gallois Know.ch, alors que les négociations salariales de l’automne touchent à leur fin.
Les salariés helvétiques doivent-ils se réjouir de ces hausses pour l’an prochain? Cela dépend de plusieurs facteurs. La première incertitude se rapporte à l’évolution des prix. Dans le cas de l’enquête d’UBS sur les salaires publiée en novembre, la banque tenait compte d’une inflation de 0,6% prévue pour 2014, une estimation ramenée depuis à 0,3%. Au final, la hausse des salaires nominaux de 0,9% attendue pour 2014 correspondra ainsi à une augmentation salariale réelle de 0,6%, contre une moyenne de 0,8% durant la dernière décennie.
Cette hausse est qualifiée de «relativement faible» par UBS. «Entre 2011 et 2013, les hausses salariales exprimées en termes réels ont été très supérieures à la moyenne historique, car, à chaque fois, les estimations d’inflation ont été révisées à la baisse en cours d’année», selon Caesar Lack, économiste chez UBS.
L’augmentation des salaires les plus bas, en particulier dans le secteur du commerce détail, constitue l’un des faits marquants des récentes négociations salariales. Actuellement, 47 000 personnes gagnent moins de 22 francs de l’heure dans le commerce de détail, soit un salaire mensuel inférieur à 4000 francs, selon l’Union syndicale suisse (USS). Toutefois, l’annonce fin septembre de l’introduction d’un salaire minimum de 4000 francs par Lidl a fait boule de neige. Son concurrent Aldi lui a emboîté le pas à la mi-novembre en plaçant le seuil minimal à 4200 francs dans les cantons à faibles salaires comme le Jura, le Tessin et le Valais, et même à près de 4700 francs à Genève et à Zurich. Récemment, Manor a aussi annoncé augmenter ses salaires minimaux de 50 à 100 francs, ce qui les situe entre 4000 et 4300 francs en fonction des catégories de personnel et de leur lieu de travail. Chez Coop et Migros, le seuil est placé à 3800 francs pour le personnel le moins qualifié. Seuls les coiffeuses et coiffeurs gagnent moins, avec un salaire minimum situé à 3600 francs, qui devrait être rehaussé à 3700 francs en septembre prochain. A noter que ces montants ne concernent que les employés à plein temps, ce qui n’est pas la règle dans ces secteurs.
Peu à peu, le salaire minimum tend, de fait, à se rapprocher, dans beaucoup de secteurs, du seuil des 4000 francs préconisé par l’initiative qui sera soumise en votation l’an prochain. A-t-elle incité les employeurs à agir à l’avance? «Elle a augmenté la pression sur les employeurs», se réjouit Gabriel Fischer, responsable de la politique économique chez Travail.Suisse. Caesar Lack observe, lui, qu’«aucune entreprise n’a envie de se retrouver sous les feux des projecteurs dans le débat actuel».
A ces hausses de salaires s’ajoute aussi un besoin de rattrapage. «De 2006 à 2009, les salaires les plus bas ont été rehaussés de plus de 2% par an. Puis, dès 2010, cette hausse s’est limitée à environ 0,75%», rappelle-t-il. Autre explication: «Certaines entreprises anticipent déjà un risque de manque de personnel, ce qui les a poussées à rehausser les salaires les plus bas», estime le responsable de Travail.Suisse.
Par secteur, les enquêtes d’UBS et de Know.ch placent clairement la pharma et la chimie en tête des hausses de salaires les plus fortes. Selon la société de conseil, la hausse devrait atteindre 1,8% dans le secteur pharmaceutique, un peu moins dans la chimie (1,5%). L’annonce par Roche d’une hausse de 1,7% de sa masse salariale dès avril prochain confirme cette tendance. A l’autre bout de l’échelle figure la restauration, avec une hausse de 0,6%, selon Know.ch. Pour UBS, ce sont les salaires des secteurs du textile, de la logistique, des médias et du tourisme qui progresseront le moins (0,5%).
Reste que la partie n’est pas encore terminée. Depuis septembre, les membres de l’Union syndicale suisse (USS) plaident en faveur de hausses des rémunérations de 1,5 à 2% selon les branches, assorties d’une augmentation de 100 francs pour tous les salaires minimums. Employés Suisse revendique une hausse de 1,5% pour les collaborateurs de l’industrie des machines, des équipements électriques et de la métallurgie.
Chez Travail.Suisse, le syndicat, qui organise une conférence sur ce sujet lundi prochain, ne veut pas dévoiler toutes ses cartes. Gabriel Fischer souligne néanmoins que la revendication d’une hausse de 1 à 2% formulée à la fin de l’été dernier reste valable. «En moyenne, la hausse se situera à 1% pour le plus grand nombre d’entreprises. Mais elle sera inférieure, presque nulle pour le tourisme et la restauration, et tombera même à 0% pour certaines administrations publiques touchées par des mesures d’économies», rappelle-t-il.
L’accent placé récemment sur les salaires minimaux ne satisfait toutefois pas tous les syndicats. Employés Suisse, organisation faîtière de quelque 70 associations d’employés, estime ainsi qu’il est faux de se concentrer uniquement sur les barèmes minimaux. «La majorité des employés touche un salaire moyen. La classe moyenne doit s’en sortir avec celui-ci et elle ne profite guère de transferts financiers», relève le syndicat dans une prise de position fin novembre.
La votation concernant l’initiative sur les salaires minimaux a accru la pression sur les employeurs