Début décembre, l’annonce de Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, et son épouse Priscilla Chan, de leur intention de reverser 99% de leur fortune à une nouvelle fondation caritative portant leur nom a marqué les esprits. Le fondateur du réseau social a promis de léguer des actions de sa société valorisées actuellement à plus de 46 milliards de francs. Suscitant autant d’admiration que de critiques sur sa façon de procéder.

Sa promesse de don s’inscrit, d’une part, dans la longue tradition de philanthropie aux Etats-Unis qui consiste à reverser une grande partie de sa fortune à des organisations caritatives existantes ou à des fondations créées sur mesure. Elle succède à celle de Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui avait lancé en 2000 sa fondation avec son épouse Melinda, soutenue aussi par le milliardaire Warren Buffet.

D’autre part, elle intervient alors que plusieurs études consacrées au phénomène de la philanthropie indiquent une hausse des dons effectués par les grandes fortunes ou les ultra-riches, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Asie et en Europe.

Les plus hauts niveaux depuis la crise financière

Même si les données de 2015 ne sont pas encore disponibles, l’année écoulée pourrait être marquée par de nouveaux records en matière de fonds attribués à des institutions caritatives, à des fondations ou à des organisations à but non lucratif. Dans leur rapport consacré à la philanthropie pour 2015, les sociétés de conseil Wealth-X et Arton Capital estiment que les personnes ultra-riches (les «ultra high net worth» individuals ou UHNW en anglais) ont, sur le plan mondial, effectué des donations à hauteur de 112 milliards de dollars, soit 18% du total des 625 milliards de dons répertoriés. Sur ce montant, 75 milliards de dons ont été versés par des milliardaires.

Pour suivre l’évolution du phénomène sur la durée, les deux sociétés de conseil ont développé leur propre indice qui mesure les dons effectués par les personnes ultra-fortunées: à fin 2014, il a atteint son record historique à 234 points, après 220 points en 2013 et comparé à plus bas de 39 points en 2008. Son précédent niveau le plus élevé, de 232 points, remonte à 2006, avant la crise financière. L’indice tient compte à la fois de la participation (nombre de dons effectués) et du montant de ceux-ci.

Le versement de gros montants est une autre tendance observée dans le domaine de la philanthropie: les dons d’un montant supérieur à 1 million de dollars représentent ainsi moins du tiers du nombre total de donations mais 99% de la valeur totale des sommes versées.

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Une autre étude réalisée par la banque Coutts atteste du rôle croissant de l’Asie pour les donations de grande importance: en 2014, Jack Ma, le cofondateur du site chinois de commerce en ligne a ainsi versé l’équivalent de près de 2,4 milliards à une fondation de charité, devançant celle de 2,1 milliards octroyée par Warren Buffett à la fondation Bill & Melinda Gates.

L’éducation avant la culture

Les fondations restent le véhicule vers lequel les plus grands montants affluent avec 30,7 milliards de dollars, selon Wealth-X et Arton Capital. Ensuite, les sommes les plus importantes ont été accordées à des institutions d’éducation supérieure (11,8 milliards), à l’éducation en général (4,1 milliards), aux arts et à la culture (3,5 milliards) puis à des institutions publiques ou de recherche (3,4 milliards). La crise des réfugiés est aussi devenue un thème majeur ces dernières années avec 2,7 milliards récoltés dans ce but.

Pour la suite, les perspectives de pouvoir séduire de nouveaux donateurs apparaissent favorables pour ces prochaines années, si l’on en croit une étude de Barclays à ce sujet. Les personnes possédant au moins 1 million de dollars d’actifs investissables («HNWI» en anglais) ont crû de 6,7% l’an dernier pour atteindre un nombre de 14,6 millions de personnes à travers le monde, selon un rapport de Capgemini cité par la banque.

Professionnalisation accrue

La professionnalisation de ce marché est une tendance de fond constatée par l’établissement britannique. A cet égard, Emma Turner, directrice du département «client philanthropy» chez Barclays, observe que les personnes intéressées par des dons ne doivent pas seulement se préoccuper du montant qu’elles veulent verser mais aussi d’autres aspects comme le suivi de la gestion des fonds accordés, de l’implication ou non de personnes tierces dans leur démarche ou encore des effets fiscaux d’une donation. Son conseil aux personnes intéressées par un don: «Passez en revue les organisations caritatives avec le même regard critique que vous auriez envers un partenaire professionnel ou un prestataire de services.»