Agnès Verdier-Molinié: «La France a besoin de changer de modèle»
Interview
AbonnéL’essayiste spécialisée dans l’évaluation des politiques publiques vient de publier un livre accusateur «Le Vrai Etat de la France» (Ed. de l’Observatoire). Elle dresse pour «Le Temps», à une semaine du premier tour de la présidentielle le 10 avril, le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de réformes. Et remet les promesses des différents candidats en perspective…

Quelle énergie! A chacun de ses livres, Agnès Verdier-Molinié pilonne les dysfonctionnements de l’Etat français et l’explosion des dépenses publiques. Cette fois, l’heure est au diagnostic implacable. «Le Vrai Etat de la France» (Ed. de l’Observatoire) est un plaidoyer pour une appréciation lucide des forces et des faiblesses du pays, et de son économie, à l’aube de l’élection présidentielle. Quelles leçons peuvent être tirées du quinquennat d’Emmanuel Macron? Peut-on, au lendemain du second tour le 24 avril, remettre le pays sur d’autres rails, en s’inspirant des exemples européens, Suisse inclue? Entretien décapant.
Le Temps: Emmanuel Macron, on le sait, s’était fait élire en 2017 sur un agenda ambitieux de réformes et de «transformation» de la France. Cinq ans plus tard, votre bilan est sévère. «La France est un pays en déclassement», écrivez-vous. Alors que les indicateurs économiques, au sortir de deux ans de pandémie, sont plutôt positifs…
Agnès Verdier-Molinié: Sur les réformes proposées en 2017 et qui n’ont pas eu lieu, je pense qu’il faut avoir le courage de la lucidité. La France a aujourd’hui besoin d’un changement de modèle, pas seulement d’arbitrages. C’est ce changement de modèle qui pourra lui permettre de retrouver son rang, au lieu d’être reléguée comme c’est le cas actuellement au 23e rang mondial en richesse par habitant, plombée par 1460 milliards de dépenses publiques par an, un niveau sans précédent et sans comparaison dans tous les pays occidentaux! J’affirme en effet que les réformes en profondeur, dont certaines étaient promises par Emmanuel Macron, n’ont pas eu lieu sous son mandat. On a continué le camouflage. On a poursuivi un semblant de décentralisation, une réforme partielle de l’assurance chômage… Et l’on a différé celle des retraites, pourtant indispensable. Regardez les chiffres que je donne dans mon livre: avec 44,5% de prélèvements obligatoires par rapport au PIB, la France reste le pays qui taxe le plus et qui dépense le plus avec 59% de dépenses publiques par rapport à son PIB. Est-ce soutenable? La réponse est non.