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Airbus-Boeing: Joe Biden signe l’armistice

Les Etats-Unis et l’Union européenne sont parvenus mardi à un accord à propos du différend commercial entre Airbus et Boeing. Les sanctions mutuelles sont suspendues pour cinq ans. Retour sur l'un des plus vieux conflit commerciaux de l'histoire

Logos des deux avionneurs concurrents — © AFP
Logos des deux avionneurs concurrents — © AFP

La détente transatlantique post-Trump a trouvé mardi à Bruxelles sa première traduction concrète. En guerre commerciale depuis plusieurs années à propos de leurs avionneurs respectifs Airbus et Boeing, l’Union européenne (UE) et les Etats Unis ont conclu un armistice pour les cinq ans à venir. Face à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et au président du Conseil européen (représentant les 27 Etats membres) Charles Michel, Joe Biden a accepté d’enterrer provisoirement la hache de guerre.

Les sanctions tarifaires mutuelles contre les deux géants de l’aviation mondiale seront suspendues pour cinq ans. L’UE et les Etats-Unis sont par ailleurs tombés d’accord sur la nécessité de s’entendre sur de grands principes s’agissant du financement public de la construction d’avions civils. Un premier accord «intérimaire» avait été conclu le 5 mars pour quatre mois. «La bataille Boeing-Airbus était l’une des plus anciennes disputes commerciales au sein de l’Organisation mondiale du commerce, a déclaré Ursula von der Leyen. Nous sommes parvenus à un résultat majeur, profitable à nos deux marchés, à la hauteur de nos échanges transatlantiques d’environ 1000 milliards d’euros par an.»

Pour aller plus loin, un Conseil UE-Etats Unis chargé du commerce et de la technologie sera bientôt mis en place. Avec pour mission de lever «les nouvelles barrières tarifaires ou technologiques inappropriées». Le cas spécifique de l’aéronautique sera suivi par un comité technique d’experts.

Sous la houlette de l’OMC

L’affaire Airbus-Boeing est l’un des litiges commerciaux majeurs traités à l’Organisation mondiale du commerce à Genève. Là même où le président américain doit atterrir en fin d’après midi, après son sommet avec les dirigeants de l’UE puis une visite éclair sur le site de l’usine Pfizer de Puurs, près de l’aéroport de Bruxelles, où sont produites les doses de vaccins anti-covid.

Le 26 octobre 2020, l’OMC avait officiellement autorisé l’UE à adopter des contre-mesures à l’égard des subventions illégales octroyées par les Etats-Unis à Boeing, en riposte aux droits de douane américains sur les exportations communautaires imposées à cause du présumé soutien public à Airbus. Cet accord avait été précédé, en mars 2019, par une décision de son organe d’appel – l’instance la plus élevée de l’organisation – confirmant que Washington n’avait pas pris de mesures appropriées pour se conformer aux règles de l’OMC en matière de subventions. Selon l’UE, «les Etats-Unis ont au contraire continué à apporter un soutien illégal à Boeing, leur avionneur, au détriment d’Airbus, de l’industrie aérospatiale européenne et de ses nombreux salariés».

Défi chinois

L’arrivée de Joe Biden au pouvoir, et la volonté de son administration d’apaiser les relations transatlantiques face au défi chinois considéré comme prioritaire, a donc modifié radicalement la donne. Les Etats-Unis vont suspendre pendant cinq ans les droits de douane additionnels sur 7,5 milliards de dollars de produits européens (dont 3 milliards de dollars environ de produits français). Idem du côté de l’UE qui imposait des droits de douane additionnels depuis le 10 novembre dernier sur 4 milliards de dollars de produits américains. Les exportations de biens aéronautiques européens étaient par exemple frappées de 15% de taxes supplémentaires, tandis que les spiritueux – et en particulier les vins français – se sont vu imposer 25% de droits de douane sous la présidence Trump.

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Future suppression permanente des sanctions

Selon le Ministère français des finances, qui a réagi avant même la conférence de presse officielle post-sommet Etats-Unis-UE, «cette période de cinq ans permettra de définir de manière opérationnelle les principes agréés en matière de financement public de la construction d’avions civils, et ainsi de supprimer les sanctions de manière permanente. Nous allons maintenant définir des conditions de concurrence loyale à l’échelle mondiale pour le soutien public au secteur aéronautique, stratégique tant pour l’Europe que pour les Etats-Unis.» Résolu à «dire ses lignes rouges» à Vladimir Poutine lors de leur rencontre à Genève mercredi, Joseph Biden vient de prouver qu’il est aussi, en matière commerciale, un dirigeant pragmatique soucieux de tourner les pages froissées par son prédécesseur.

Le conflit Airbus-Boeing: des dates clés

C’est le conflit commercial le plus long dans l’histoire de l’Organisation mondiale du commerce. De toute évidence, il n’est pas fini.

2004  Washington introduit une plainte contre les subventions publiques européennes à Airbus, qu’il juge illégales. Les Européens répondent avec les mêmes accusations contre leur concurrent américain Boeing. Après l’échec des négociations en vue d’un arrangement mutuel, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ouvre simultanément deux enquêtes l’année suivante.

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2009  L’OMC dépasse largement l’échéance prévue pour statuer sur les deux conflits et affirme que les aides fournies par Bruxelles à Airbus sont illégales. L’année suivante, Washington est réprimandé pour ses aides accordées à Boeing.

2011  L’UE perd son «procès» en appel. La même année, un autre panel condamne le gouvernement américain, la NASA et les Etats d’avoir violé les règles liées aux aides publiques.

2014  L’UE ouvre un nouveau front contre les Etats-Unis dans la bataille à l’OMC et dépose une nouvelle plainte contre l’exonération d’impôts en faveur du 777X.

2016  L’OMC cloue au pilori l’UE pour ne pas avoir respecté son verdict de 2011.

2017  L’OMC donne gain de cause aux Américains dans le cas du 777X. L’UE fait appel. Celui-ci est rejeté, mais que partiellement. Une partie des aides publiques au Boeing est illégale.

2019  L’OMC rappelle l’UE à l’ordre, lui enjoint de cesser ses subventions, ce qui incite les Etats-Unis à menacer d’imposer des droits de douane punitifs sur les importations en provenance de l’UE. Ces derniers passent à l’acte, l’OMC les ayant autorisés à taxer les produits européens importés aux Etats-Unis à hauteur de 7,5 milliards de dollars. L’administration Trump augmente le tarif sur des avions européens de 10 à 15% et frappe divers produits et services, y compris vin et spiritueux, de surtaxes de 25%.

Et encore: Le vieux conflit Airbus-Boeing refait surface

En octobre, l’OMC accorde aux Européens d’imposer des droits de douane punitifs sur des produits américains importés à hauteur de 4 milliards de dollars. Alors que le président américain criait victoire, à Bruxelles, la Commission appelait à trouver un compromis, histoire de ne pas envenimer encore plus les relations transatlantiques.

2021  Joe Biden et Ursula von der Leyen signent l’armistice. Le problème n’est pas réglé; il est reporté à 2026.

Ram Etwareea