Dans les Alpes, les stations françaises prennent l'ascendant
Immobilier
La Lex Weber et le franc fort pénalisent Crans Montana ou Verbier. Et font monter le prix des chalets à Val d’Isère, Méribel ou Chamonix. A 30 000 francs le m2, Gstaad reste néanmoins la station la plus chère du massif alpin, selon une étude de Naef Prestige et Knight Frank.

Dans les Alpes, l'ascension se fait du côté français. Car sur le versant suisse, c'est la descente. Le constat de Naef Prestige Knight Frank est net: les prix des chalets sont en recul. Cinq stations françaises trustent les premières places de son classement immobilier des stations de ski les plus huppées d'Europe. «Elles ont bénéficié du climat d’incertitude en Suisse», résument les auteurs de l’étude réalisée par les deux sociétés immobilières, associées dans l'immobilier de luxe.
Interactif. Les chalets suisses sont en perte de vitesse
Globalement, les Alpes sont soumises au même régime depuis 2008: une activité assez faible, et aucune accélération ni décélération notable. Mais cette stabilité générale cache des différences au sein du même massif. À Val d’Isère, Méribel, Chamonix ou Courchevel, les chalets haut de gamme sont devenus entre 2 et 6% plus chers en une année. Avec un recul des prix de respectivement -1,4 et -2%, Villars et Gstaad se classent 6e et 7e. Elles devancent Klosters, Verbier ou Crans Montana. En 15e et dernière position, on trouve St-Moritz, où les prix ont baissé de 7,2% entre fin juin 2014 et fin juin 2015.
A Crans Montana, «il n’y a pas de marché»
Il faut dire que le climat est plus rude du côté suisse. D’abord, il y la Lex Weber, votée en 2012, qui plafonne le nombre de résidences secondaires à 20% des logements des communes touristiques. Le débat sur sa mise en œuvre provoque de l’incertitude depuis bientôt quatre ans, rappelle Liam Bailey, le chef de la recherche pour Knight Frank. «Les clients ont été peu nombreux car ils ne sont pas sûrs de pouvoir revendre leur propriété à des résidents permanents dans le futur, le potentiel d’acheteurs est réduit». Facteur aggravant, l’offre a considérablement augmenté, sous l’effet de la construction de nombreuses résidences secondaires juste après l’adoption de la Lex Weber.
Mais cette réglementation n’est pas la seule en cause, complète François Clausen, le patron de la société Tradition Chalet. Spécialisé dans la construction de résidences de luxe à Crans Montana, il témoigne: «Il n’y a pas vraiment de baisse. Mais depuis deux ou trois ans, il n’y a pas de marché!» Les initiatives sur l’impôt sur les successions ou sur les forfaits fiscaux, même si elles ont été rejetées dans les urnes, ont jeté un coup de froid, selon lui. «Pour les étrangers qui ne connaissent pas bien nos réglementations, ces débats génèrent de l’incertitude ou de la complexité. Du coup, ils préfèrent acheter ailleurs».
Le franc fort de plein fouet
Une autre tempête n’a soufflé que du côté suisse: l’envolée du franc, en janvier 2015. Ce, alors que l’euro lui, n’a cessé de baisser ces dernières années face aux principales monnaies. Ainsi, en juillet 2015, à Gstaad, Verbier ou Davos, un chalet à 1 million de francs coûtait 661 000 livres sterling à un résident britannique. C’est 10 000 livres de plus qu’en juillet 2014. Durant la même période, à Méribel, Chamonix ou Courchevel, le prix des résidences à 1 million d’euros a baissé de 791 0000 à 702 000 livres sterling. Cependant, ces écarts se sont réduits, depuis le calcul effectué par Knight Frank. La devise britannique s’est renforcée face au franc, cette année, et le désavantage monétaire est désormais presque effacé.
Mais il n’y a pas que les Anglais. Les Russes et leur rouble, qui s’est effondré depuis l’été 2014, figurent traditionnellement parmi les plus gros acheteurs. Ils sont désormais absents, constate Liam Bailey. Mais qu’ils soient Anglais, Russes, Français, Hollandais ou Moyen-Orientaux, «les très riches clients dépensent désormais leur capital sur différentes propriétés, en différents lieux», observe l’expert. Résultat: dans les stations françaises, le segment de marché des biens de plus de 15 millions d’euros a ralenti. Entre mi-2014 et mi-2015, les ventes se sont concentrées sur les chalets de 1,5 à 2,5 millions d’euros.
Gstaad reste la plus chère
Le marché français des chalets haut de gamme a un autre avantage, par rapport à la Suisse. L’impôt sur les revenus immobiliers des non-résidents semble condamné. Cette sorte de taxe sur la valeur locative, qui s’élevait à 15,5% des revenus fonciers estimés, est entrée en vigueur en 2012. Mais elle est contestée par la Cour européenne de justice, qui a émis un arrêt en faveur d’un contribuable français en février 2015. «Cette décision a revitalisé les acheteurs, explique Liam Bailey. À Megève, les ventes du premier semestre 2015 ont été deux fois plus nombreuses que durant toute l’année 2014».
Malgré ces divergences, entre les deux versants alpins, c’est en Suisse que se trouvent encore les chalets les plus chers du massif. A Gstaad, le m2 se paie 30 000 francs. C’est deux fois plus qu’à Crans Montana et quatre fois plus qu’à St-Gervais. A Verbier, les prix se situent à 21000 francs le m2. A Villars à 14600 francs.
Une chance pour les petites stations
Le marché des chalets suisses en général devrait retrouver de la croissance dès le printemps 2016, ajoute Sébastien Rota, le responsable des ventes de Naef Prestige Knight Frank à Vevey. «Une connaissance plus fine des réglementations se traduira par un retour à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande et à une augmentation des ventes. Les prix seront par contre moins négociables qu’ils ne le sont actuellement». L’application de la Lex Weber pourrait par ailleurs inciter les acheteurs à s’orienter vers d’autres stations, plus petites, moins connues et pour lesquelles le plafond des 20% de résidences secondaires est loin d’être atteint, prévoit encore l’étude.