2e pilier
Que ce soit au niveau sociétal ou politique, comme le montre le nouveau projet de réforme de la LPP, l’amélioration de la prévoyance des femmes provoque des revendications

La problématique est à la fois simple et complexe: les salaires des femmes sont, en règle générale, très inférieurs à ceux des hommes sur une carrière complète et les prestations du 2e pilier sont définies en proportion du salaire, déduction faite d’un montant forfaitaire de coordination. Le résultat de l’équation est simple: les prestations du 2e pilier pour la retraite des femmes sont donc, en moyenne, également très inférieures à celles des hommes. Dès lors, rendre des prestations égales alors que les salaires ne sont pas égaux relève du casse-tête. Comprendre pourquoi les salaires des femmes sont moins élevés constitue une première étape dans l’appréhension du problème alors que définir comment améliorer la couverture des petits revenus, quel que soit leur sexe, permettrait de trouver de nouvelles pistes.
L’arrivée d’enfants, cause première
Le fait que, dans une comparaison à poste égal et qualifications égales, le salaire des femmes tend à être plus bas n’est pas la principale cause d’une couverture LPP plus faible à la retraite. C’est la période, plus ou moins longue, de réduction de l’activité lors de l’arrivée d’enfants dans le foyer qui est à l’origine de la majeure partie de cet écart. Lorsque la femme poursuit son activité à temps partiel, son salaire est réduit, alors que la déduction de coordination reste appliquée de manière forfaitaire et complète. Le salaire assuré est ainsi réduit de manière forte.
Le système existe ainsi pour plusieurs raisons. D’une part, il ne s’agit que d’une disposition légale minimale qui n’est pas appliquée de manière aussi dure dans toutes les entreprises. En effet, certains employeurs prennent en compte le taux d’activité de l’assurée pour réduire le montant de coordination, ce qui atténue la portée de cette déduction. D’autre part, le législateur suisse a bâti, dans les années 1980, une véritable institution composée de 3 piliers solides et bien équilibrés. Le 1er pilier (l’AVS) et le 2e pilier (la LPP) ont été construits pour compenser près de 60% du revenu de l’assuré(e) à la retraite. Or, les analyses individuelles de prévoyance permettent de constater que la règle de base est souvent respectée, car l’AVS compense de manière plus significative les petits revenus que les grands, alors que le 2e pilier est limité pour les petits revenus, mais augmente en fonction des salaires. Si les petits revenus ne sont finalement pas lésés, car le rapport de 60% est maintenu, il n’en demeure pas moins que la rente cumulée peut être insuffisante pour vivre décemment au moment de la retraite. Raison pour laquelle il faut se pencher sur la question pour améliorer la situation.
Revenons à la question de la prévoyance des femmes. Si ces dernières ont réduit leur activité professionnelle pour s’occuper des enfants, c’est, en règle générale, qu’il y a un conjoint ou un concubin qui partage leur vie, ce qui amène à considérer le revenu du ménage au moment de la retraite. Celui-ci permet d’atténuer l’impact du déséquilibre entre la prévoyance des hommes et des femmes. Cependant, les modes de vie évoluent et il est de plus en plus courant que des pères réduisent leur taux d’activité pour se consacrer, au moins un jour par semaine, à la prise en charge des enfants. Les conséquences de l’application du montant forfaitaire de coordination sur le salaire assuré de l’homme sont alors les mêmes que pour une femme, avec des prestations de retraite fortement impactées. De ce fait, le pouvoir d’achat du couple sera alors minoré doublement à la retraite.
Faut-il changer le système?
Le monde politique aura prochainement l’occasion de se prononcer sur un éventuel changement du système. Un des axes pourrait être le maintien ou non du principe actuel de la déduction de coordination. Ce principe laisse à l’employeur le choix de l’amélioration de la couverture des personnes à temps partiel, mais n’est pas toujours satisfaisant.
Une nouvelle approche, construite sur une déduction fixée en pour cent du salaire AVS, présente de nombreux avantages et un inconvénient majeur. Ce dernier est probablement bloquant, il s’agit du coût. Pour que le changement de règle de calcul passe la rampe, il faut que les prestations soient améliorées sans léser personne et qu’il n’y ait pas de surcoût majeur pour les employeurs. En parallèle, l’avantage d’une simplification de la définition du salaire assuré peut être valorisé. Pour l’employeur, la solution est facile à programmer dans l’application des salaires, à expliquer et à mettre en œuvre. Il suffit de déduire un pourcentage forfaitaire du salaire, applicable sans changement à toutes les situations de rémunérations horaires ou mensuelles, à temps partiel ou à plein temps. Pour l’employé, en sus d’une meilleure couverture des taux d’activité réduits, la nouvelle méthode de calcul lui offrirait plus de clarté sur la part de son salaire assuré pour le 2e pilier et une meilleure compréhension du système. Enfin, le maintien d’un seuil d’entrée en dessous duquel la personne n’est pas assurée en LPP reste pertinent, pour ne pas charger inutilement les revenus des stagiaires ou les activités d’étudiants. En résumé, toute amélioration sociale a un coût, il s’agit de trouver le compromis équilibré.
Après la maternité, reprise à plein temps
Finalement, l’échelle croissante des bonifications d’épargne est souvent au centre des discussions entre experts: elle pénaliserait les travailleurs les plus âgés dans la recherche et le maintien d’un emploi. Si la maternité est à l’origine d’une couverture LPP des femmes plutôt faible, plus le taux de bonification d’épargne est élevé lors de la reprise d’une activité, plus le capital pour la retraite sera renforcé. Il ne faut donc pas réduire cette échelle sur les dernières années d’activité.
Mais pour que cette hypothèse fonctionne, il faut que la femme reprenne une activité à plein temps dès que les enfants quittent le cocon familial. Le maintien à temps partiel au-delà de cette période repose aussi bien sur un choix personnel que sur la nécessité d’une mise à niveau des compétences, mais il n’est pas rare de constater que l’activité reste réduite bien plus longtemps que la période d’éducation des enfants. De plus, la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à 65 ans permettra aux femmes de capitaliser une année d’épargne supplémentaire, en se mettant au même niveau que les hommes pour l’âge de départ à la retraite.
En résumé, le principe d’une rémunération égale pour un poste égal reste la base d’une retraite équivalente entre hommes et femmes. Toutefois, la réduction du taux d’activité pendant une période plus ou moins longue explique la majeure partie de l’écart de prestations entre les deux sexes. Il est impératif de saisir les opportunités actuelles pour améliorer le 2e pilier des femmes et des bas revenus.
Marlène Rast est directrice adjointe et responsable du secteur Prévoyance au Groupe Mutuel.