La crise mondiale du Covid-19 va-t-elle changer la pratique politique, l’économie, la société, la culture? Nous consacrons une série de près de 30 articles à ce sujet, durant plusieurs jours sur notre site, et dans un numéro spécial le samedi 13 juin.

Retrouvez, au fur et à mesure, les articles dans ce dossier.

C’est un donut qui doit aider Amsterdam à sortir de la crise. Pas une orgie de la pâtisserie américaine elle-même, mais sa forme, qui a inspiré une théorie économique récente. Développée par une chercheuse britannique, Kate Raworth dans un livre devenu un best-seller*, l’idée est de sortir de l’obsession de la croissance et de se fixer d’autres objectifs.

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La prospérité, certes, mais dans les capacités de la planète et en assurant les besoins de base de la population. Pourquoi ce dessert ultra-sucré? Parce que sa forme, en anneau, aide à se représenter ces buts. L’anneau représente un «espace juste et sûr pour l’humanité» où les besoins de tous sont satisfaits (basés sur les objectifs de développement des Nations unies), dans les limites des capacités de la planète. Au-delà, on détruit notre écosystème et, dans le trou, on n’assure pas le minimum social.

Résoudre la crise du logement

Populaire, cette théorie a attendu huit ans et l’intérêt de la capitale néerlandaise pour passer du succès littéraire commercial à l’application dans la réalité. Ce, malgré l’irruption d’une pandémie. Kate Raworth l’admet, «nous n’avions jamais imaginé lancer notre concept dans un contexte de crise comme celui-ci, mais nous croyons que le besoin d’un outil de transformation pourrait difficilement être plus important qu’aujourd’hui».

A la mi-avril, donc, Marieke van Doorninck, l’adjointe au maire d’Amsterdam, chargée de la durabilité et de l’aménagement, a expliqué vouloir favoriser les créations d’emplois, tout en révisant la façon de consommer et de produire. Kate Raworth a dressé un portrait de la ville et identifié où les besoins de base ne sont pas remplis et où les capacités de la planète sont dépassées.

Nouvelles lunettes

Un exemple? La crise du logement. La solution n’est pas nécessairement de construire davantage, ce qui oblige à augmenter les importations de matières premières et les émissions de CO2, mais de s’attaquer à la spéculation. «Les logements ne sont pas seulement trop chers parce qu’il y en a trop peu. Il y a aussi beaucoup de capital qui circule autour du monde en cherchant des investissements et, en ce moment, l’immobilier est vu comme le meilleur, donc cela augmente les prix», a expliqué Marieke van Doorninck, dans une interview au Guardian.

La ville s’est fixé des objectifs, dont la neutralité carbone ou fonctionner comme une économie circulaire en recyclant systématiquement les matières utilisées d’ici à 2050. Mais surtout, cette approche doit lui donner de nouvelles lunettes pour aborder toutes les décisions de politique publique. «Le donut ne nous fournit pas les réponses, mais une manière de regarder la réalité, de façon à éviter d’utiliser les mêmes structures auxquelles nous sommes habitués», a affirmé Marieke van Doorninck.


* «La Théorie du donut. L’économie de demain en 7 principes», Editions Plon, octobre 2018.