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Analyse. Des errements de Swiss Life à la solidité de Scor, Axa et la Bâloise

Analyse.

Les crises permettent de distinguer le bon grain de l'ivraie. Elles montrent aussi que certaines sociétés ne parviennent pas à tirer tous les enseignements des catastrophes précédentes. C'est le cas de Swiss Life. Osons le dire, même si les dégâts ne se comparent pas à ceux de 2002.

En général, le secteur de l'assurance se porte bien mieux que celui de la banque, à l'exception de AIG aux Etats-Unis et Swiss Re, leaders mondiaux de l'assurance et de la réassurance. Leur expansion dans les métiers propres à la banque d'investissement se traduit par une exposition élevée aux risques de ces dernières.

L'analyse globale du secteur est a priori rassurante. En Europe, sur 20 groupes d'assurance, neuf ont présenté des résultats intermédiaires meilleurs que prévu, dont Zurich Financial Services et Axa. Six sont en ligne avec les attentes, dont Allianz et Aviva. Et cinq sont en dessous des prévisions, dont Generali, Munich Re et Swiss Re, selon une étude récente de Lehman Brothers. Aujourd'hui, il faut ajouter la double déception de la Bâloise et de Swiss Life et la bonne surprise de Scor, le repreneur de Converium. Le résultat de ce dernier est supérieur de 42% aux prévisions et la tendance va rester positive.

L'assurance est un secteur qui dispose de son propre cycle. Il est depuis quelques mois clairement défavorable à l'assurance dommage dans le sens où les prix sont à la baisse. Mais le secteur a profité d'une absence quasi totale de catastrophes naturelles. D'ailleurs, les taux combinés, qui mesurent le résultat technique de l'assurance dommage, sont exceptionnellement bons. L'arrivée de Gustav, aussi malheureuse soit-elle pour les populations concernées, ne peut donc surprendre.

Au sein des groupes européens, l'exposition aux ouragans américains est toutefois limitée aux réassureurs, à l'exception de Scor.

Dans ce contexte, la solvabilité de la branche n'est pas menacée. Celle de Zurich atteint 178%, Axa 148%, la Bâloise 224%. Et dans l'assurance vie, les résultats trimestriels soulignent une étonnante vigueur des chiffres de vente. Cet environnement cache d'énormes écarts entre compagnies. Dans un milieu où l'aversion au risque est profondément ancrée à tous les étages, les hypothèses de travail diffèrent pourtant. Sur le risque d'inflation par exemple. Scor prend pour hypothèse une inflation des sinistres de 11%, Zurich de 3%, selon Lehman Brothers.

La chute des bourses illustre d'autres écarts. La Bâloise a par exemple davantage souffert que prévu. De même que Swiss Life, avec ses 720 millions de francs de corrections de valeurs sur ses actions. L'emploi des stratégies de protection (hedging) n'est pas également répandu. Il est très élevé pour Axa et les réassureurs. L'interprétation des normes comptables diffère aussi. La complexité de l'analyse n'est pas mince. Ainsi un plongeon des actions peut parfois se traduire par une amélioration de la solvabilité. C'est le cas si l'exposition aux actions se situe dans les assurances vie liées à des fonds et non pas dans les fonds propres. Le capital disponible de l'assureur n'est alors pas touché par la baisse de valeur des actions, tandis que ses exigences de fonds propres diminuent.

Cet été a surtout révélé l'étendue des problèmes de Swiss Life. Bien sûr, la solvabilité et les fonds propres ne sont pas mis à mal comme en 2003. Mais la performance est catastrophique. Ce qui n'empêche pas l'UBS d'engager le président de Swiss Life, Bruno Gehrig, au sein de son conseil d'administration, et de l'expliquer par ses connaissances des marchés des capitaux. Contrairement à la Bâloise, qui déçoit aussi par son résultat financier, Swiss Life a un gros problème dans le cœur de ses activités d'assurance. Ses mauvais résultats sur le marché allemand en témoignent (-9%). Certes l'Allemagne a entrepris des modifications réglementaires qui pénalisent la vente d'assurances à prime unique (-40%). Mais cela n'explique pas tout. Sur le même marché de l'assurance vie, Axa gagne 6% et Zurich 33%. En outre les promesses de synergies avec AWD, jugées capitales pour justifier le prix d'acquisition élevé, sont mal engagées. Le chiffre d'affaires diminue de 14%, le nombre clients recule de 26900 en un an et la contribution bénéficiaire s'annonce nulle pour cette année.

Dans l'opération entre AWD et Swiss Life, cette dernière s'est fourvoyé alors que son fondateur, Carsten Maschmeyer, a navigué au mieux. Ce dernier, qui reste co-CEO d'AWD, a vendu pour 500 millions son paquet dans MLP, le deuxième plus grand groupe de conseil financier en Allemagne. Mais MLP ne veut pas discuter avec Swiss Life et ouvre son capital à des compagnies «amies» (Allianz, Axa). Comme Swiss Life explique qu'il veut réduire l'offre de produits offerts par AWD à 4 ou 5 par catégorie et profiter de sa position dans le capital pour mieux évaluer les nouveaux produits, il ne peut utiliser le même argument aussi pour racheter MLP. On n'achète pas deux fois le même produit, en l'occurrence ce que les experts appellent «market intelligence». MLP n'est pas une petite affaire (2,5 milliards de francs). Swiss Life n'a aucune chance à faire avancer ses pions sur cet échiquier. L'action MLP s'est envolée dans l'espoir d'une fusion, mais à tort à notre avis. La société se traite aujourd'hui à 22 fois le bénéfice attendu pour 2008.

Pendant ce temps, Swiss Life perd des points. La valeur des nouveaux produits a plongé de 15%, alors que, par exemple, elle augmente de 73% à la Bâloise.