Analyse. Pour la fin des limitations de vote
ACTIONNAIRES
Les sociétés anonymes doivent calibrer leurs défenses.
Certains actionnaires sont «plus égaux que d'autres», pourrait-on dire en paraphrasant Coluche. Giorgio Behr ne le sait que trop bien, lui qui demande aujourd'hui le soutien de ceux de Baumgartner. Le patron de BBC veut racheter le groupe vaudois. Au terme d'une offre publique d'achat combattue par la direction, il a annoncé la semaine dernière détenir près de 65% du capital... mais les statuts de la holding de Crissier limitent ses droits de vote à 3%.
Sauf surprise de dernière minute, puisque la direction de Baumgartner a reconnu sa défaite, Giorgio Behr devrait obtenir gain de cause, et conclure son OPA. Reste que ce muselage des actionnaires est tout sauf une exception en Suisse.
Ces dérogations à la démocratie actionnariale font enrager le défenseur des actionnaires Deminor ou la Fondation Ethos qui défendent le principe 1 action = 1 voix. Giorgio Behr, lui, n'a pas hésité à qualifier ces restrictions d'«expropriation».
Pour eux, comme pour la plupart des investisseurs anglo-saxons, le propriétaire doit seul décider du sort d'une entreprise, et donc de sa direction. Ils considèrent ces droits de vote limités comme une mesure de protection d'un management. Ces investisseurs institutionnels veulent que cela change.
Les patrons défendent au contraire le statu quo. Ils mettent en avant qu'il faut préserver les intérêts des actionnaires qui s'engagent à long terme contre ceux des prédateurs financiers.
Les défenseurs d'une finance durable et responsable voient aussi d'un bon œil cette laisse autour du cou des cow-boys des marchés. Ils n'acceptent pas qu'on puisse presser une entreprise comme un citron pour la jeter lorsqu'elle a donné tout son jus. Cela se défend. Mais les actionnaires de Baumgartner, beaucoup de petits porteurs, ne partagent sans doute pas cette analyse depuis l'OPA manquée d'Asher Edelman au début des années 2000. Le raider américain leur proposait 1100 francs par titre. Ils sont pourtant restés fidèles à la direction, qui a fini par démanteler le groupe comme on craignait qu'Edelman ne le fasse.
La situation n'est pourtant pas inextricable. Pour aligner les intérêts de la direction avec ceux des propriétaires, tout en permettant l'émergence d'une finance durable, on peut proposer une limite flexible des droits de vote. Les actionnaires pourraient voir les restrictions sur leurs droits de vote diminuer à mesure qu'ils prouvent leur engagement dans la société dont ils sont propriétaires.