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Analyse. L'innovation n'est pas une priorité

Analyse.

Les budgets de recherche et de formation stagnent. Mais on est prêt à investir dans la Porta Alpina. Le capital-risque est le parent pauvre de l'économie. Et le dossier agricole la priorité absolue à l'OMC. L'innovation n'est décidément pas la priorité. Elle l'est dans les discours, mais pas dans les faits. Les technologies de l'information font à peine 5% du PIB de Zurich, de la région lémanique, de Bâle et Berne, soit la moitié moins qu'à Paris, Francfort et Stockholm, et le tiers d'Helsinki. Le Conseil fédéral parle de développer la société du savoir. Mais cela n'engage aucun responsable.

La ressource sur laquelle nous nous appuyons encore, c'est la finance. Elle représente 29% du PIB à Zurich et 21% dans la région lémanique, selon une étude du BAK Basel. Nous conservons notre leadership. Mais avec la croissance du onshore, nous exportons notre savoir-faire à Singapour et ailleurs. La valeur ajoutée laissée en Suisse est en stagnation. Nous devrions freiner la tendance à la surréglementation et réduire une fiscalité pénalisante (droit de timbre, double imposition du bénéfice). Ce secteur est en repli de 3% à Zurich et sur le Léman entre 2000 et 2004.

La Suisse n'a-t-elle pas d'avenir dans une économie du savoir? Elle a de solides atouts: elle dépose le plus grand nombre de brevets au monde par million d'habitants. L'EPFL, l'ETHZ, les universités, l'IMD sont très bien placés sur le plan international. La fiscalité des employés les plus qualifiés et la réglementation du marché du travail y sont compétitives et compensent partiellement l'absence de déréglementation des marchés de produits. Le leadership de Roche et Novartis dans la pharma, la qualité de nos entreprises dans la biotech et les techniques médicales devraient nous inciter à jouer la carte des sciences de la vie, cet autre pilier de l'économie du savoir, à côté de la technologie. Chacun s'accorde à reconnaître que la santé sera un secteur à forte croissance. En Suisse, elle occupe déjà 1 million de personnes (!), mais si peu de place dans les stratégies des décideurs. Ce secteur à forte valeur ajoutée peut résoudre notre problème de croissance. Notre situation de départ n'y est pas mauvaise. Bâle, où il représente 22% du PIB, l'a bien compris. Le Bassin lémanique insuffisamment. Un travail d'explication est nécessaire. L'hostilité marquée à l'idée que Roche puisse faire un bénéfice avec le Tamiflu, son médicament contre la grippe, signale un problème fondamental. La responsabilité première de l'entreprise n'est-elle pas de faire un bénéfice? Et les fabricants étrangers de génériques prêts à produire du Tamiflu ne visent-ils pas un profit? Les appels à la baisse des prix médicaments mesurent la méconnaissance du fonctionnement du secteur et une étrange volonté de scier la branche sur laquelle la Suisse est assise. L'opposition à l'égard des OGM, lesquels n'ont pourtant jamais rendu quiconque malade, cache mal cette aversion au risque et la peur de l'innovation. Tout reste à faire. Les sciences de la vie représentent à peine 2% du PIB sur le Bassin lémanique. Etonnant pour la région de l'EPFL et de Serono! Mais la croissance annuelle de ce secteur est de 9% par an depuis 1995. Un taux de croissance à la chinoise! C'est mieux que Boston, Stockholm et Helsinki.

La région lémanique a une bonne carte à jouer. Elle offre une productivité élevée et un emploi très qualifié: à 35% de formation tertiaire, soit presque autant qu'à Helsinki et Boston. Mais la recherche ne représente que 1,5% du PIB sur le Bassin lémanique, contre 3% à Paris et Francfort, 4% à Bâle, 5% à Munich et Boston.

Il est tard pour démarrer une industrie de l'innovation. Mais un bon début pourrait passer par un discours favorable au progrès et à la liberté d'entreprendre ainsi qu'à l'établissement de priorités d'investissement.