Pour rappel, le Cycle de Doha a été lancé en 2001 et devait se conclure en décembre 2004. Cette première échéance a été ratée et vite oubliée.
Il faut toutefois reconnaître chez Pascal Lamy - il a franchi ce mercredi le cap de six mois à la tête de l'OMC - sa perspicacité et sa ténacité. En baissant les ambitions de la dernière conférence ministérielle, en décembre à Hongkong, il a réussi à maintenir le moteur des négociations en marche. Tout reste à faire et il reconnaît le côté herculéen de la tâche: amener 150 pays à s'entendre sur quinze thèmes différents, et complexes. «C'est une course contre la montre, mais c'est faisable», plaide-t-il.
Pascal Lamy fait croire que le dynamisme post-Hongkong fera des miracles. Il brandit notamment le fait que l'une de ses échéances intermédiaires vient d'être respectée. Il s'agit des offres et requêtes que les membres devaient faire dans le domaine de la libéralisation des services.
La réalité n'est pas tant enthousiasmante puisqu'elle ne concerne qu'un cinquième des membres de l'organisation, dont quelques pays émergents, mais surtout les pays industrialisés. A titre d'exemple, les services constituent un secteur vital aux Etats-Unis: il représente 75% du produit national brut, emploie 80% de la population active, exporte pour 378 milliards de dollars et importe pour 322 milliards.
Par ailleurs, il faut savoir que les négociations sur la libéralisation des services ne se feront pas à l'OMC, mais dans des discussions plurilatérales ou bilatérales. Et que rien n'oblige les gouvernements à présenter des offres ou à faire des demandes. L'Accord de Hongkong prévoit une deuxième série d'offres révisées pour le 31 juillet et des listes finales d'engagements pour le 31 octobre, ce qui devrait permettre de conclure le Cycle de Doha à la fin de l'année. On peut facilement parier un échec de négociations dans ce secteur d'autant plus que certains pays émergents sont surtout intéressés à «exporter» de la main-d'œuvre, sujet qui, évidemment, rencontre une farouche opposition dans les pays du Nord.
Le directeur de l'OMC voit également des lueurs d'espoir dans les deux dossiers épineux, la libéralisation du commerce des produits agricoles et celui des produits industriels. Il se dit encouragé par la réunion ministérielle du week-end prochain qui réunit les ministres du Commerce de quatre grandes puissances: Etats-Unis, Union européenne (UE), Brésil et Inde.
C'est un pari audacieux que prend Pascal Lamy en estimant qu'un consensus est à portée de main. En réalité, les positions ne sont pas moins figées que ce qu'elles étaient ces derniers mois. L'UE fait croire qu'elle a fait une grande concession en se disant prête à abolir les subventions aux exportations agricoles. En réalité, il ne s'agit que de mettre fin à un système commercial scandaleux qui dévaste l'agriculture africaine depuis des années. Du reste, les pays européens ont accéléré l'exportation de surplus de blé, de sucre et de poulets ces derniers mois. Les Etats-Unis sont moins hypocrites: ils vont continuer à produire des surplus de maïs ou de blé pour le compte de l'aide humanitaire, ce qui est contesté à l'OMC.
L'Inde, le Brésil et les autres pays émergents qui prêchent le donnant donnant n'annoncent pas l'ouverture de leurs marchés aux produits industriels, alors même qu'ils gagneraient à introduire plus de concurrence.
Et les pays pauvres qui subissent les négociations? Pourquoi se joindraient-ils à un éventuel consensus? L'OMC leur a brandi un bel appât, un programme pour les aider à entrer dans le commerce mondial. Mais là encore, les travaux ne viennent que de commencer.