Questions à

Avec la réduction du crédit bancaire, le marché obligataire en euros se transforme. Anne Velot, responsable de l’équipe Euro Crédit chez Axa, détaille les opportunités et décrit la stratégie du fonds AXA WF Euro Credit.

Le Temps: Quelle est la stratégie du fonds?

Anne Velot: Le fonds se concentre sur le crédit en euros d’émetteurs notés dans la catégorie investissement. Le portefeuille peut cependant compter jusqu’à 30% de titres notés «haut rendement», mais le fonds garde une note moyenne «investissement» pour maintenir un niveau de volatilité faible et de liquidité élevée.

– Qu’en est-il des performances?

– Cette année, la performance absolue est influencée par les mouvements sur les taux. Les craintes que la Réserve fédérale américaine commence à freiner son programme de rachat d’actifs (QE) ont créé de la volatilité. Ce développement correspond cependant à nos attentes car nous avons réalisé une performance de plus de 16% l’an dernier, notamment grâce à une solide reprise dans la deuxième partie de 2012. Nous n’imaginions pas reproduire la même performance en 2013.

– Etes-vous uniquement concentrés sur les emprunts d’entreprises ou avez-vous également des titres de dettes souveraines?

– Nous avons essentiellement des emprunts d’entreprises. Il s’agit de positionnements granulaires pour garder un portefeuille très diversifié. Nous ne sommes pas dans une dynamique identique aux actions, où le gérant peut prendre un pari marqué sur un titre donné. Avec le crédit, la hausse possible est limitée, tandis que la perte peut être totale en cas de défaut. D’où un besoin important de diversification. Nous avons cependant la possibilité de détenir des obligations souveraines. C’est le cas en ce moment de l’Espagne car, même dans les pays périphériques, certaines signatures d’entreprises deviennent trop chères (Iberdrola par exemple) par rapport à l’Etat. D’où cette position, qui n’est pas vouée à rester longtemps dans le portefeuille.

– Avec les réductions des prêts des banques, l’activité dans les marchés des capitaux s’est-elle intensifiée?

– Deux effets se contrebalancent. D’une part, les banques réduisent leur bilan, ce qui a un impact sur leur volume d’émissions. De l’autre, le volume net d’émissions provenant de sociétés non financières a augmenté. En outre, de nouveaux émetteurs se manifestent, ce qui crée des opportunités plus intéressantes.

– En Europe, le marché des capitaux a historiquement été moins important dans le financement d’entreprises qu’aux Etats-Unis. Est-ce que vous observez un changement?

– Nous ne sommes déjà plus très loin par rapport aux Etats-Unis dans la catégorie «investissement». L’Europe est par contre un peu à la traîne dans le haut rendement. Mais le rattrapage est en cours et la croissance dans ce segment est très rapide. En revanche, quand on parle de recours aux marchés des capitaux, on parle des grandes entreprises. Les PME, elles, ont encore beaucoup de retard. C’est justement un grand handicap pour une reprise en Europe. Pour elles, les banques ne sont plus là et le marché obligataire n’est pas encore là.

– Quels sont les secteurs intéressants?

– La finance reste une de nos prio­rités, car c’est un secteur qui se reconstruit. Nous nous concentrons notamment sur la dette subordonnée où il est possible de profiter de primes intéressantes. Nous nous intéressons aussi à des émissions subordonnées dans les télécoms ou dans les «utilities». Et nous analysons les nouveaux émetteurs, comme la société espagnole spécialisée dans la sécurité Prosegur. De manière générale, il faut être très sélectif sur les émetteurs et la structure de la dette.

– On se dirige vers une hausse des taux d’intérêt. Comment cela entre-t-il dans votre stratégie?

– Nous avons déjà eu une hausse particulière des taux en juin. Cela correspondait au changement de dynamique de liquidité. La Fed a offert un excès de liquidité au marché et a montré qu’elle se préparait à le retirer, d’où une augmentation de la volatilité. Cette dernière a été plus forte sur les actifs en dollars que sur ceux en euros. Cet été, nous avons observé de nouvelles tensions en août, mais les primes de crédit sont restées stables, contrairement à juin, car les investisseurs ont compris que la hausse des taux ne signifiait pas forcément une décote du crédit. Une hausse des taux signifie normalement amélioration de l’économie, ce qui est positif pour les entreprises. Nous gardons une petite exposition aux taux dans le fonds mais nous avons aussi créé des parts qui n’ont aucune exposition au risque de taux, les parts Redex. Dans ce cas, elle est couverte systématiquement car on sait qu’une bonne performance peut être annulée par les taux.

* Responsable de l’équipe Euro Crédit d’AXA