Numérique
Les ventes physiques stagnent, tandis que les téléchargements progressent rapidement. L’Europe protège les distributeurs traditionnels. Pas les États-Unis

Fin novembre, l’Américain GameStop, plus grand distributeur de jeux vidéo au monde avec ses 6457 magasins, annonçait des résultats trimestriels décevants. Dans la foulée, l’action du groupe, également propriétaire du Français Micromania, chutait de 10%. Un mauvais présage pour l’industrie du jeu qui réalise près d’un tiers de son chiffre d’affaires durant la période des fêtes? Rien n’est moins sûr. La croissance du secteur est désormais portée par les ventes dématérialisées.
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Une tendance confirmée par le groupe NPD qui réalise des études de marché. Sur les neuf premiers mois de l’année, les ventes physiques ont stagné dans le monde par rapport à 2014. Mais, en incluant les ventes numériques, le tableau est tout autre. Il laisse apparaître une progression de 8%, explique l’analyste Liam Callahan, cité par le New York Times. Electronic Arts, plus grand producteur de jeux vidéo au monde, détenteur de la franchise sportive «FIFA» ou du best-seller hivernal «Star Wars: Battlefront», annonce, sur les nouveaux jeux, des téléchargements atteignant 20% des ventes totales. Contre 10 à 15% il y a un an.
Un marché invisible
La progression est d’autant plus spectaculaire chez Ubisoft. La part du digital (téléchargements, contenu additionnel, jeux tablettes ou mobiles) dans le chiffre d’affaires global y est passée, en un an, de 27,8 à 48,3%. «La progression est tout à fait significative, commente Gil Grandjean, directeur marketing chez Ubisoft Suisse. Niveau jeux PC, on vend désormais autant de titres physiquement qu’on ne compte de téléchargements. Sur consoles, par contre, la part du digital reste minoritaire.» Ces appareils sont toutefois de plus en plus connectés.
Au niveau du marché suisse, impossible pourtant d’obtenir des chiffres précis. Les téléchargements restent les grands absents des statistiques qui sous-estiment donc toujours l’état de santé réel du marché. En cause: la multiplication des plates-formes digitales et la politique de confidentialité de certains développeurs qui rechignent à communiquer sur les ventes individuelles. «On estime les téléchargements à environ 15% des ventes totales suisses, explique le vice-président de la Swiss Interactive Entertainment Association (Siea) Nicolas Akladios. C’est un marché mûr où les cartes de crédit sont répandues et qui possède un excellent réseau internet; ce qui facilite les téléchargements.»
Pas de sous-enchère sur le net
Comme dans l’industrie musicale, les distributeurs traditionnels sont désormais menacés par ce nouveau paradigme. Les plates-formes de vente en ligne sont en effet majoritairement opérées par les constructeurs Sony, Microsoft ou Nintendo ou certains développeurs tiers qui peuvent ainsi, pour écouler leurs jeux, s’économiser un intermédiaire.
Pourtant, en Europe, l’industrie joue encore la carte de l’union sacrée. Les ventes numériques ont encore «un énorme potentiel de progression, reconnaît Nicolas Akladios. Aux Etats-Unis, les téléchargements représentent 30 à 40% des ventes. Mais, en Europe, il y a une volonté de l’industrie de soutenir les magasins en évitant de pratiquer une politique de prix agressive».
Le développeur Ubisoft, qui a créé sa plate-forme numérique Uplay, ne dit pas autre chose. «Notre politique est claire: nous pratiquons les mêmes prix qu’en magasin. Notre but n’est pas de concurrencer les distributeurs traditionnels. Pour nous, l’expérience du joueur commence aussi lors de l’achat en magasin», souligne Gil Grandjean. Comme chez les mélomanes, certains amateurs de jeux vidéo privilégieront toujours de pouvoir collectionner les pochettes.