Du côté du management ainsi placé sous surveillance, le «chief executive officer» (CEO) et le chef des finances (CFO), doivent apposer leur griffe sur les comptes publiés, dont ils endossent ainsi personnellement la double responsabilité civile et pénale. En signant, ils n'attestent pas seulement l'exactitude des chiffres, mais confirment l'existence d'un système efficace de contrôle comptable interne.
Sarbanes-Oxley impose également de publier dans des délais beaucoup plus brefs des bilans trimestriels et annuels beaucoup plus complets, devant notamment inclure le détail des opérations hors bilan et «pro forma», accompagné d'explications claires. En outre, les achats et ventes d'actions par les collaborateurs et les actionnaires qualifiés doivent faire l'objet d'une publication. Parallèlement au renforcement des dispositions sur l'établissement des comptes, la loi a également entraîné un resserrement des conditions d'admission et de surveillance à la Bourse.
L'association patronale «Business Roundtable» a récemment procédé à une enquête sur les coûts occasionnés par ces nouvelles dispositions en matière de comptes et de cotation, qui s'élèvent annuellement à un montant situé entre 1 million et 10 millions de dollars par entreprise. Au total, la SEC chiffre la mise en conformité des sociétés à 1,5 milliard de dollars.
Les sociétés de révision ne peuvent plus être conseillers et auditeurs à la fois. Une autorité spéciale de surveillance, le Public Company Accounting Oversight Board (PAB) a récemment vu le jour, avec un peu de retard. Ses enquêteurs effectuent déjà des sondages chez les principaux «auditors»; toute société de révision comptant plus de cent clients sera révisée chaque année; les plus petites le seront au moins une fois tous les trois ans. Tout réviseur d'une firme établie aux Etats-Unis ou d'une société fille étrangère d'une firme établie aux Etats-Unis est censé se faire enregistrer chaque année par le PAB et se soumettre à sa surveillance.
Une partie des règles de gouvernance et d'établissement des comptes pose des problèmes aux entreprises étrangères, notamment suisses ou européennes. Les sociétés de révision étrangères, elles, risquent de se trouver en porte-à-faux avec les législations de leurs pays de domicile respectifs. C'est pourquoi la Suisse envisage de créer une autorité de surveillance analogue au PAB, qui se chargerait des demandes américaines éventuelles, et permettrait aux réviseurs helvétiques d'éviter de communiquer des documents aux USA.
Depuis que Sarbanes-Oxley a été promulguée, quelque 40 nouvelles lois et ordonnances régulant la «bonne gouvernance» ont vu le jour dans les pays de l'UE, et la Commission européenne est en train d'élaborer une directive-cadre qui est censée harmoniser les règles. En Suisse, la Bourse SWX a établi des règles contraignantes, qui complètent les principes autorégulateurs publiés par l'association economiesuisse; la révision, quant à elle, est soumise à de nouvelles règles supervisées par la Commission fédérale des banques. Toutefois, rien n'indique que les investisseurs américains et européens aient repris confiance dans les directions d'entreprises et les comptes qu'elles publient, et l'effet le plus visible du Sarbanes-Oxley Act est d'avoir rendu excessivement prudentes, voire timorées, les directions des entreprises américaines.