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Après une année, la loi Sarbanes-Oxley n'a pas rétabli la confiance des investisseurs

L'ensemble touffu des règles américaines censées imposer la bonne gouvernance par décret coûte 1,5 milliard de dollars par an aux entreprises. Une partie des règles de gouvernance et d'établissement des comptes pose des problèmes aux entreprises étrangères, notamment suisses. Les sociétés de révision sont également concernées.

Entré en vigueur le 30 juillet 2002, le «Sarbanes-Oxley Act» avait été adopté par les parlementaires américains au point culminant des scandales financiers ébranlant l'opinion publique. Destinée à améliorer la gouvernance d'entreprise et à rétablir la confiance des investisseurs, cette loi-cadre imposait la création d'une série de nouvelles réglementations sous l'égide de la Securities and Exchange Commission (SEC) et des Bourses. Une année après, une bonne partie du travail régulatoire est accomplie, avec des conséquences considérables, non seulement pour les établissements américains, mais aussi pour les entreprises et les réviseurs du reste du monde.

Aux entreprises américaines, cette loi impose des conseils d'administration composés en majorité de «personnes indépendantes». Ces conseils sont tenus de nommer des comités d'audit ne comprenant aucune personne liée aux opérations de la société. C'est à ces comités, et non à la direction, qu'il appartient désormais de désigner le réviseur externe des comptes, dont ils sont également l'interlocuteur privilégié. Et c'est encore à eux, et non au management, qu'il incombe de recueillir d'éventuelles plaintes ou soupçons des collaborateurs, dont ils doivent garantir l'anonymat («whistleblower protection»). Les collaborateurs juridiques internes et externes sont d'ailleurs dans l'obligation expresse de signaler les irrégularités qu'ils pensent avoir observées – ce qui pose de graves problèmes juridiques aux avocats étrangers.

Du côté du management ainsi placé sous surveillance, le «chief executive officer» (CEO) et le chef des finances (CFO), doivent apposer leur griffe sur les comptes publiés, dont ils endossent ainsi personnellement la double responsabilité civile et pénale. En signant, ils n'attestent pas seulement l'exactitude des chiffres, mais confirment l'existence d'un système efficace de contrôle comptable interne.

Sarbanes-Oxley impose également de publier dans des délais beaucoup plus brefs des bilans trimestriels et annuels beaucoup plus complets, devant notamment inclure le détail des opérations hors bilan et «pro forma», accompagné d'explications claires. En outre, les achats et ventes d'actions par les collaborateurs et les actionnaires qualifiés doivent faire l'objet d'une publication. Parallèlement au renforcement des dispositions sur l'établissement des comptes, la loi a également entraîné un resserrement des conditions d'admission et de surveillance à la Bourse.

L'association patronale «Business Roundtable» a récemment procédé à une enquête sur les coûts occasionnés par ces nouvelles dispositions en matière de comptes et de cotation, qui s'élèvent annuellement à un montant situé entre 1 million et 10 millions de dollars par entreprise. Au total, la SEC chiffre la mise en conformité des sociétés à 1,5 milliard de dollars.

Les sociétés de révision ne peuvent plus être conseillers et auditeurs à la fois. Une autorité spéciale de surveillance, le Public Company Accounting Oversight Board (PAB) a récemment vu le jour, avec un peu de retard. Ses enquêteurs effectuent déjà des sondages chez les principaux «auditors»; toute société de révision comptant plus de cent clients sera révisée chaque année; les plus petites le seront au moins une fois tous les trois ans. Tout réviseur d'une firme établie aux Etats-Unis ou d'une société fille étrangère d'une firme établie aux Etats-Unis est censé se faire enregistrer chaque année par le PAB et se soumettre à sa surveillance.

Une partie des règles de gouvernance et d'établissement des comptes pose des problèmes aux entreprises étrangères, notamment suisses ou européennes. Les sociétés de révision étrangères, elles, risquent de se trouver en porte-à-faux avec les législations de leurs pays de domicile respectifs. C'est pourquoi la Suisse envisage de créer une autorité de surveillance analogue au PAB, qui se chargerait des demandes américaines éventuelles, et permettrait aux réviseurs helvétiques d'éviter de communiquer des documents aux USA.

Depuis que Sarbanes-Oxley a été promulguée, quelque 40 nouvelles lois et ordonnances régulant la «bonne gouvernance» ont vu le jour dans les pays de l'UE, et la Commission européenne est en train d'élaborer une directive-cadre qui est censée harmoniser les règles. En Suisse, la Bourse SWX a établi des règles contraignantes, qui complètent les principes autorégulateurs publiés par l'association economiesuisse; la révision, quant à elle, est soumise à de nouvelles règles supervisées par la Commission fédérale des banques. Toutefois, rien n'indique que les investisseurs américains et européens aient repris confiance dans les directions d'entreprises et les comptes qu'elles publient, et l'effet le plus visible du Sarbanes-Oxley Act est d'avoir rendu excessivement prudentes, voire timorées, les directions des entreprises américaines.