«Aston Martin a besoin d'une voiture électrique»
Automobile
Parmi les constructeurs de luxe, Aston Martin tient une place à part. Rencontre au Salon de l'auto de Genève avec son patron, Andy Palmer

Le Britannique Andy Palmer, 53 ans, a redressé le constructeur Aston Martin qui était dans les chiffres rouges depuis six ans. Le patron de la marque prestigieuse mais confidentielle (3700 véhicules vendus l'an dernier) entend rapidement doubler la production tout en entrant dans l'ère de la voiture électrique.
Le Temps: Les nouveautés dévoilées au Salon de l'auto à Genève, en particulier le modèle Valkyrie, sont une réplique, pour la route, de voitures de F1. Pourquoi abordez-vous ce créneau de marché, comme l'a fait McLaren il y a quelques années?
Andy Palmer: Cette voiture a été développée avec l'écurie Red Bull. C'est un bolide très haut de gamme qui sera construit à 150 exemplaires et vendu entre 2 et 3 millions de livres sterling (2,4 à 3,6 millions de francs). Cette nouvelle série AMR démontre qu'Aston Martin est capable de réaliser des voitures aux performances extraordinaires.
– Porsche ou Tesla figurent-ils parmi vos principaux concurrents?
– Porsche, avec 200 000 voitures produites par an, peut être considéré comme un constructeur de masse. Aston Martin fait partie du segment de luxe, avec Bentley, Rolls Royce, McLaren ou Ferrari. Et lorsque nous lancerons, l'an prochain, le modèle RapidE électrique, il y aura un peu de concurrence avec Tesla.
– Pourquoi proposer des voitures de sport électriques alors que la plupart des amateurs apprécient le son particulier du moteur à combustion?
– J'avais deux options pour pouvoir respecter le durcissement des normes CO2 qui sont calculées sur l'ensemble de la flotte d'un constructeur. Soit réduire la taille des moteurs en supprimant les V12, et alors je tuais une part de l'attractivité d'Aston Martin car les clients sont aussi attachés au son particulier des moteurs. Soit développer une gamme de voitures de sport électriques à émission zéro qui offrent une autre forme d'émotion: de la vitesse pure sans bruit. Cette option est la meilleure.
– La société a-t-elle, pour la première fois depuis six ans, réalisé un bénéfice en 2016?
– Oui et non. Le bénéfice d'exploitation EBITDA, avec 101 millions de livres sterling (environ 124 millions de francs), n'a jamais été aussi élevé. Et le bénéfice opérationnel (EBIT) s'élève à 16 millions. La perte nette est due à la volonté d'assainir le bilan en amortissant une somme de 49 millions liée au développement de l'ancien modèle DB9. Le bénéfice d'exploitation par véhicule produit est deux fois plus élevé qu'en 2007, meilleure année de la société. Cela prouve les gains d'efficacité réalisés suite à la transformation de l'entreprise ces dernières années.
– Ce n'est donc pas pour combler ses pertes qu'Aston Martin se diversifie dans le secteur de l'immobilier de luxe ou les vedettes rapides?
– Par cette extension nous voulons créer une société entièrement centrée sur le luxe au sens large du terme. Ainsi, quelqu'un peut vivre dans un appartement Aston Martin à Miami, descendre au port avec sa voiture de sport Aston Martin et passer une journée en mer sur un bateau Aston Martin. C'est une question de style de vie. Ou pourrait même, pourquoi pas, lancer une marque de parfum. Le seul point commun de tous ces objets doit être un design et une beauté extraordinaires.
– Est-ce que la société, dont l'actionnaire majoritaire est koweïtien, entrera en bourse?
– Il se pourrait que ce soit le bon moment, alors que la société devient bénéficiaire. Mais cette décision appartient aux actionnaires privés, pas à moi.
– Quelle est l'influence du Brexit sur vos affaires?
– Positive en ce moment pour notre entreprise basée en Grande-Bretagne et 100% exportatrice, car la livre sterling s'est affaiblie.