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Attachant portrait d'une réussite à l'américaine sur sol suisse

Dirk Schütz décrit une ascension quasi linéaire au sommet de l'Olympe bancaire.

C'est une «success story», l'histoire d'un enfant issu d'une famille pauvre, peu doué pour les études, fixé sur la banque de ses rêves, sur le bâtiment de la direction de la SBS. Cette énergie ne connaîtra pas de doute ni de renoncement. Même pas lorsque son instituteur lui dit: «On ne pourra jamais rien faire de toi.»

Dirk Schütz, rédacteur en chef de Cash, dresse un portrait attachant de Marcel Ospel, loin d'une certaine presse, prompte à qualifier les banquiers d'arrogants. Sans a priori, l'ouvrage est un réel plaisir qui se lit dans l'urgence. Au rythme de Marcel Ospel, un homme du peuple qui a grandi dans une coopérative d'habitation du «petit Bâle», passionné par le carnaval, les «dry scheenste Daag» (trois plus beaux jours de l'année). Il fait partie d'une clique «les Revoluzzer» et a récemment créé un prix du meilleur «Schnitzelbängg» (chanson). Il se sent au plus mal dans les milieux académiques, lorsqu'il s'exprime à l'Université de Saint-Gall devant un aréopage de docteurs en économie. Il fuit les intellectuels, ne participe pas à Mai 68, et ne comprend pas ces communistes de salon. Ces gens-là ne lui sont pas sympathiques. A ce moment-là, c'est un apprenti. Son père lui demande de choisir entre l'école de commerce et un travail à la société de bourse Transvalor. Il n'hésite pas et, à 15 ans, choisit le second. Lorsque les manifestants bloquent la gare de Bâle, lui, cravate et cheveux court, passe son chemin. Son destin est ailleurs. A la surprise de ses collègues, il connaît déjà les bonnes personnes à la SBS et les départements les plus prometteurs.

Son charme s'exprime surtout en tête-à-tête. C'est un charmeur. Mais si difficile à appréhender pour ses chefs. Qui peut comprendre le mariage du Carnaval de Bâle et de la Ferrari? Toujours pressé et travailleur, il sait faire la fête avec ses copains bâlois, apprécie le whisky McCallen et fume ses Philip Morris sans ménagement. C'est aussi un fou de belles voitures, et il se permet quelques extravagances qui passent mal dans les milieux protestants du «Basler Daig». En ville, il conduira une Range Rover qu'il aura fait peindre en rouge parce que ce modèle n'est pas disponible et une Ferrari qu'il voudra verte.

Pour grimper dans la hiérarchie, il affrontera l'establishment et les structures très verticales des grandes banques. Ses stages à Londres et aux Etats-Unis lui feront découvrir les mérites de la culture anglo-saxonne.

Trois fidèles alliés

Dirk Schütz nous apprend qu'Ospel est maladivement prudent. Ce n'est pas un trader qui prend de grands paris. Une chance, si on le compare à Mathis Cabiallavetta - qu'il tutoiera très vite ce qui aidera à la reprise de l'UBS -, l'imprudent qui perdra tout dans les acrobaties de Ramy Goldstein et ensuite avec LTCM.

Poussé par sa quête de réussite, Marcel Ospel saura choisir ses amis. Ils veulent l'argent, lui le pouvoir. Le premier des fidèles soutiens, c'est Johannes de Gier, dont il fait la connaissance à Londres à l'époque de SBCI, alors minuscule. Ospel lui plaît: enfin un jeune qui ne cherche pas à rentrer le plus tôt possible à la centrale. De Gier veut être un banquier d'affaires, mais pas un homme de pouvoir, sans cesse en séance. Le deuxième partenaire d'ascension sera Markus Granziol, un académicien au pays des banques, qui veut sortir la SBS des griffes de la vieille génération, celle des crédits, et qui limite son ambition à l'argent. Le troisième sera David Solo, un doué qui fuit la presse, ce qui n'aide pas pour devenir patron.

La culture américaine, Marcel Ospel la vivra à 30 ans, à New York. Le rythme est dément et il aime ça. A 34 ans, il quitte la maison pour Merrill Lynch à Zurich et triple alors son salaire, à plus du demi-million. Mais Européen, le pouvoir lui sera interdit. Il préfère retourner à la SBS et, pour la seule fois de sa vie, accepte une baisse de salaire. Il sera président de la direction en novembre 1995.

S'il fait les bons choix pour sa carrière, ce sont aussi ceux qui propulsent sa banque au firmament de l'industrie. Très vite il sait que sa banque doit reprendre l'UBS. Et ce but atteint, surprise, il n'est qu'à moitié satisfait. Il veut le leadership de la banque d'investissement, une fusion avec Merrill Lynch. Mais les coûts d'intégration sont jugés trop lourds. L'opération est refusée. Mais tant d'autres ont été accomplies. C'est le premier au monde dans la gestion de fortune en attendant le prochain coup d'accélérateur dans la banque d'investissement.

«Herr der UBS», Dirk Schütz, 192 pages, Orell Füssli.