C'est l'effet domino. L'une après l'autre, de grandes enseignes américaines, terrassées par la concurrence du commerce en ligne, sont contraintes de fermer des magasins. Par ricochet, les grands «malls», ces allées couvertes truffées de magasins, qui sont devenues l'emblème du consumérisme américain, sont de plus en plus désertés, laissés à l'abandon. A tel point qu'un site internet, Deadmalls.com, a décidé de se consacrer au phénomène. L'artiste et activiste Seph Lawless, friand de lieux désaffectés, a de son côté photographié plusieurs de ces centres commerciaux totalement à l'abandon. Ambiance sinistrose garantie.

10 000 emplois menacés chez Macy's

La chaîne Macy's fait partie des victimes. Après des ventes très décevantes pendant les fêtes de fin d'année, l'enseigne généraliste, qui vend vêtements, bijoux et de quoi meubler et décorer son appartement, a annoncé en janvier qu'elle poursuivait sa fermeture de magasins. D'ici à la fin de 2017, l'enseigne aura fermé 68 des 100 magasins voués à disparaître sur les 750 qu'elle possède à travers les Etats-Unis. Près de 10 000 emplois sont menacés. La concurrence du commerce en ligne, Amazon en tête, est la principale raison de la baisse de ses ventes.

L'enseigne est très populaire aux Etats-Unis, et c'est encore à coups de grandes publicités dans la presse qu'elle tente de renverser la tendance et de se montrer plus attractive, en proposant d'importants rabais. Son PDG Terry Lundgren espère générer des économies de 550 millions de dollars dès cette année. Près de la moitié devrait être réinvestie dans le commerce en ligne.  

Selon Cushman & Wakerfield, la fréquentation des «malls» a baissé de 50% rien qu'entre 2000 et 2013

Macy's n'est pas seule dans cette situation. Sears – qui possède aussi les supermarchés Kmart – a annoncé en septembre la fermeture de 300 magasins. Selon Business Insider, qui a procédé à un recensement détaillé des enseignes ayant annoncé des fermetures de magasins début 2017, ces chiffres sont de 552 pour RadioShack, 250 pour The Limited, 240 pour Family Christian, 160 pour Crocs, 138 pour JCPenney ou encore 120 pour BCBG, pour ne citer que les principales. Bebe de son côté s'apprête à faire un choix radical, soulignait récemment Bloomberg: fermer l'ensemble de ses 170 magasins pour se concentrer uniquement sur le commerce en ligne. La chaîne a accusé des pertes de 200 millions de dollars ces quatre dernières années et n'est plus en mesure de payer des frais de location élevés. 

30% des «malls» à l'agonie

Ces magasins se côtoyaient jusqu'ici souvent dans d'imposants centres commerciaux situés à la périphérie de localités, lesquels, de lieux de rencontre emblématiques de l'«American way of life», finissent par se muer en lieux de plus en plus déserts et déprimants. Ce déclin s'observe depuis plusieurs années déjà, mais il connaît un coup d'accélérateur depuis quelques mois. Les chiffres sont alarmants. Selon la société Cushman & Wakerfield, active dans l'immobilier, la fréquentation de ces grands espaces commerciaux a baissé de 50% rien qu'entre 2000 et 2013. Le cabinet Green Street estime pour sa part que près de 30% des «malls» américains – soit plusieurs centaines – sont à l'agonie et disparaîtront dans un avenir proche.

Un facteur précipite leur chute: quand de grandes enseignes ferment, les petits magasins situés dans le même «mall» bénéficient souvent de conditions de bail plus favorables, leur permettant par exemple d'exiger une baisse de loyer ou de rompre le contrat plus facilement. La concurrence en ligne n'est pas le seul ennemi des «malls» américains. Ils souffrent également de l'appauvrissement de la classe moyenne, mais surtout d'un désintérêt grandissant des adolescents, échaudés par les dispositifs sécuritaires toujours plus importants.  

Pour tenter de stopper cette spirale infernale, certains magasins, tout en réévaluant leur stratégie en ligne, se dotent de «cabines d'essayage interactives», développées notamment par Oak Labs, qui permettent aux clients d'essayer des habits sans sortir de la cabine. Chères, elles permettent toutefois, selon de premières évaluations, de booster les ventes. Elles augmentent le confort du client, qui, en cliquant sur le miroir, peut commander de nouvelles tailles ou couleurs, sans devoir se perdre à nouveau dans les rayons.