Pour avancer sereinement
L’éditorial
Les banques semblent de plus en plus prêtes à entrer de plain-pied dans la nouvelle ère de la transparence fiscale. Elles ont encore des torts à reconnaître
En avril, un nouveau coup de tonnerre a retenti dans le ciel d’une place financière déjà assombri lorsque le Conseil fédéral a annoncé que la Suisse était prête à se plier à l’échange automatique d’informations fiscales si celui-ci devenait un standard international. Ce n’est qu’«un détail» dont «nous ne parlerons plus dans cinq ans», affirme pourtant Boris Collardi, dans ce hors-série. Tout comme le directeur général de Julius Baer trouve normal de mettre une ceinture de sécurité en conduisant, même s’il rappelle que cette mesure avait fortement déplu lors de son introduction.
L’an dernier, dans ce même supplément, Christophe de Backer, directeur général de la Banque privée Edmond de Rothschild, tenait un discours similaire. Il qualifiait, lui, l’échange automatique de «détail technique». Preuve que les banquiers sont prêts à entrer de plain-pied dans la nouvelle ère de la transparence fiscale? Les grands établissements en tout cas. Pour l’ensemble de la place financière, c’est moins sûr. Même si les gérants indépendants, d’abord entrés dans la résistance, finissent aussi par adapter leur modèle.
La Suisse n’est pas la seule à voir sa place financière affronter des difficultés. D’origines diverses. Après le scandale du Libor, Londres lutte pour rester au cœur du système. Paris, sur laquelle nous nous penchons dans ces pages, raconte aussi comment il est délicat de redresser la situation une fois le déclin entamé. La Suisse n’est pas dans le même cas de figure. Elle se cramponne au rang de numéro un des places de gestion offshore. Boris Collardi considère ainsi qu’elle restera un «pôle d’excellence dans le domaine [bancaire] pour longtemps». Car, face à la concurrence d’établissements dans d’autres pays, 300 ans d’expérience dans la banque ne s’inventent pas et garantissent des compétences qui vont bien au-delà de l’aspect fiscal.
Trois cents ans d’histoire bancaire, ce sont aussi des chapitres plus ou moins glorieux. Si la Suisse doit, en partie, sa prospérité à des services bancaires qui ont séduit des clients du monde entier, elle lui doit aussi des épisodes moins susceptibles d’alimenter la fierté nationale. L’incitation à l’évasion fiscale à grande échelle dont certaines banques doivent aujourd’hui répondre entre dans cette catégorie. Souvent éludée par des banquiers qui disent n’y avoir alors pas vu de problème et préfèrent l’aveuglement collectif, elle a existé, en dépit des lois locales qui l’interdisaient. Le reconnaître est essentiel. C’est prendre acte que le monde a changé, que certaines pratiques tolérées ne le sont plus et que les banques ont maintenant à reconnaître leurs torts. Une posture nécessaire pour avancer sereinement dans cette ère de la transparence fiscale.
Avec le même naturel que le chauffeur accrochant sa ceinture de sécurité en montant dans sa voiture…