Comme aiment à le souligner les Américains, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. L’annonce, vendredi, par le Département du travail, que le taux de chômage a chuté de façon spectaculaire à son plus bas niveau depuis 2008 est manifestement une bonne nouvelle. Il s’est établi en avril à 6,3% (6,7% en mars).
L’Amérique compte désormais 9,8 millions de chômeurs. Le pays a créé en moyenne 190 000 emplois par mois sur un an et 288 000 pour le seul mois d’avril. Ces chiffres du chômage sont plutôt encourageants, non seulement pour la Réserve fédérale, mais aussi pour l’administration de Barack Obama, qui a dû affronter la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 1930. Ils constituent aussi une forme de revanche face à des républicains toujours prompts à dénoncer la politique économique de la Maison-Blanche. Lors de la présidentielle de 2012, le candidat républicain Mitt Romney avait bâti sa campagne sur le fait que son rival démocrate Barack Obama n’avait pas tenu sa promesse de faire descendre le chômage sous les 7%. Aujourd’hui, les statistiques publiées donnent au président américain de nouvelles munitions.
Quant à la mauvaise nouvelle, l’embellie sur le marché du travail se produit alors que le taux de participation à la population active n’a jamais été aussi bas depuis 36 ans, à 62,8%. Plusieurs économistes relèvent que le taux de chômage réel des Etats-Unis avoisinerait plutôt les 15% si la statistique intégrait tous ceux qui ont renoncé à chercher un emploi.
Un second phénomène inquiète. Alors que le nombre de sans-emploi de courte durée a baissé et retrouvé son niveau d’avant-crise, le chômage de longue durée reste élevé. En mars, 3,7 millions d’Américains étaient sans travail depuis plus de 27 semaines, soit 35,8% de tous les chômeurs (contre près de 20% avant 2007). Un chiffre qui explique que la durée moyenne de chômage ne baisse pas.
«Sclérose» du marché
La tendance préoccupe d’autant plus que les spécialistes ne voient pas comment la croissance constante, mais faible, de l’économie américaine permettra de résoudre ce problème dont les conséquences socio-économiques peuvent être dévastatrices. Elle semble aussi indiquer une relative «sclérose» du marché de l’emploi, un terme surtout utilisé jusqu’ici pour décrire la situation de certains pays européens et du Japon.
Par le passé, les Etats-Unis avaient pourtant une proportion de chômeurs de longue durée bien inférieure aux taux recensés dans les pays de l’OCDE. Depuis 2012, le taux américain se situe dans la moyenne. Cité par le Financial Times, Keith Hall, professeur à la George Mason University, avertit: «Je crains que nous ne créions un groupe de citoyens qui […] vont rencontrer de grandes difficultés à réintégrer le marché du travail.»