A Bali, l’OMC a négocié jusqu’au bout de la nuit
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L’accord en vue remettrait leCycle de Doha sur les rails. Les Etats membres n’ont pas attendu pour laisser éclater leur joie

Les négociateurs dépêchés à Bali par les 159 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce étaient encore, à l’heure d’écrire ces lignes, soit à 3 heures du matin à Bali, en train de discuter des ultimes formulations d’un accord donné pour acquis. Dans la dernière ligne droite, l’objection de Cuba continuait de bloquer un dénouement positif et provoquait d’intenses consultations. Suspense difficilement soutenable, car lourd de conséquences: le texte scellé dans l’île indonésienne – dont l’Inde avait fait savoir vendredi soir qu’elle était «prête à le signer», après des jours d’opposition frontale – est un succès réel pour l’institution basée à Genève.
Dans la version non définitive qui circulait à Bali avant la fin du sommet, le nouveau-né comporte dix textes: un sur la facilitation des échanges, quatre traitant d’agriculture et cinq en rapport avec le développement. Une avancée notable dans le cycle de dérégulation de Doha, lancé en 2001 et plongé dans un état de mort clinique depuis 2008 à la suite de dissensions, notamment entre les Etats-Unis et l’Inde, sur des questions agricoles.
Quelques heures avant cette vraisemblable consécration, les ministres et autres diplomates ont d’ailleurs laissé jaillir leur satisfaction, dans un exercice d’euphorie à peine contenu. «J’ai obtenu ce que je voulais, martelait en boucle Anand Sharma, ministre indien du Commerce. Je suis plus qu’heureux.» Et d’ajouter: «C’est un grand jour. Il s’agit d’une décision historique. Non seulement pour l’Inde mais pour tous les pays en développement ou pauvres de la planète. Et c’est une victoire aussi pour l’OMC.»
Des déclarations à chaud, l’homme fort de New Delhi est passé directement aux embrassades, dédaignant la case plus protocolaire de l’accolade. Le premier à en profiter a été son homologue américain, et ex-rival direct, Michael Froman, qui a discrètement quitté le Centre de convention, s’épargnant ainsi la clôture du sommet. Destination après ces quatre derniers jours passés dans l’enclave hôtelière chic de Nusa Dua: Singapour où se tient de samedi à mardi la ministérielle «concurrente» du Partenariat transpacifique, initiative de libre-échange régionale.
«Un échec à Bali aurait signifié la mort de l’OMC, les règles commerciales auraient été constituées en dehors», assure Nicolas Imboden, responsable du centre genevois Ideas de conseil aux pays les plus pauvres, et ex-ambassadeur de Suisse à l’OMC. Les grandes puissances se seraient désintéressées du multilatéralisme pour ne plus se concentrer que sur les seuls (méga) accords bilatéraux ou régionaux. Pour l’heure, l’OMC en dénombre plus de 370 Dans la matinée précédant le tomber de rideau à Bali, l’ancien délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux se disait optimiste: «On va arriver à quelque chose, j’en suis convaincu. Ma déception, c’est de ne pas y être parvenu déjà à Genève. Et ma crainte est que l’on nous vende un accord qui n’en est pas un»
De fait: les mois de travaux préparatoires à Genève, avant cette étape décisive à Bali, n’ont laissé aucune marge pour réfléchir à l’agenda post-Indonésie. Chaque chose en son temps. Le nouvel échéancier de l’OMC prévoit, dans l’immédiat, l’application du «paquet de Bali». Une remise sur les rails qui devrait permettre, à terme, de discuter des autres aspects du Cycle de Doha.
«J’ai obtenu ce que je voulais. C’est un jour historique pour l’Inde, l’OMC, le monde entier»