Perspectives
En Suisse, rien n’indique qu’il faut s’attendre à un mouvement de consolidation dans ce secteur, selon les experts de la branche. Les objectifs de croissance affichés par Credit Suisse sont jugés très ambitieux

La banque de détail est un marché très convoité en Suisse. Le 21 octobre, Credit Suisse a dévoilé son objectif de presque doubler le bénéfice avant impôts généré par son unité de banque universelle d’ici à 2018. Début octobre, Patrik Gisel, le nouveau directeur de Raiffeisen, soulignait lors de son entrée en fonction que la coopérative bancaire entendait non seulement conforter sa position de leader sur le marché hypothécaire en Suisse mais aussi se montrer plus offensive dans le financement des entreprises.
Pourtant, à l’heure certains acteurs de la branche montrent leurs griffes, une récente étude de l’institut IFZ, rattaché à la Haute école de Lucerne, fait état d’une évolution plutôt stable au sein de ce secteur, en dépit d’un recul des marges. En 2014, les revenus des banques de détail ont reculé de 1,3% à 15,3 milliards de francs en 2014. Acteurs clés de la banque détail, les 24 établissements cantonaux ont, eux, dégagé au premier semestre un bénéfice brut agrégé de 2 milliards de francs, en hausse de 3% sur un an, selon l’Union des banques cantonales suisses.
Consolidation peu probable
Dans l’immédiat, rien n’indique qu’il faut s’attendre à un mouvement de consolidation important dans la banque de détail, similaire à celui attendu pour la banque privée. Roger Stettler, manager senior chez Ernst & Young, ne le prévoit pas: «Les principaux acteurs de la banque de détail sont des banques cantonales, souvent en mains étatiques, des coopératives bancaires ou encore Raiffeisen. Une importante consolidation me paraît difficile. De plus, elle n’est pas forcément nécessaire, car beaucoup de choses peuvent être réalisées grâce à des coopérations ou en s’appuyant sur une organisation en réseau. La taille n’est pas toujours un avantage dans ce secteur d’activité. Au contraire, la complexité des grandes organisations peut freiner l’innovation», juge l’expert d’Ernst & Young qui a réalisé une étude sur les perspectives pour la banque de détail à l’horizon 2020.
Un objectif «sportif»
Que faut-il alors penser des objectifs de croissance de Credit Suisse qui prévoit de faire passer le bénéfice avant impôts de la nouvelle unité de banque universelle suisse de 1,6 milliard en 2014 à 2,3 milliards de francs d’ici à 2018? «Il s’agit d’un objectif ambitieux, voire sportif», estime Javier Lodeiro, analyste bancaire chez J. Safra Sarasin. Qu’attend-il de l’entrée en bourse de la division de banque universelle suisse? «Credit Suisse étant déjà parmi les leaders sur le marché suisse, cette IPO permettra surtout d’apporter une meilleure identification du personnel ou de la clientèle avec la banque universelle helvétique – plus qu’au sein d’un grand groupe international. En revanche, il est encore trop tôt pour estimer comment l’IPO de cette unité contribuera à créer de la valeur pour le groupe», analyse-t-il.
En termes de rentabilité, la taille n’apparaît pas déterminante. Dans le classement de l’institut IFZ, qui tient compte de différents critères (rapport entre les charges et les revenus, ratio d’endettement, etc.), les meilleures banques de détail en 2014 ont été, dans l’ordre, deux petites caisses d’épargne – Ersparniskasse Affoltern et Burgerliche Ersparniskasse Bern –, suivies par la Banque cantonale de Schwyz. De 2010 à 2014, le classement est dominé par les banques cantonales de Schwyz, de Fribourg et des Grisons.
Est-il possible de croître plus vite que la concurrence au sein de la banque de détail? Roger Stettler, manager senior chez Ernst & Young, relève qu’il y a toujours des gagnants et des perdants, aussi au sein de ce marché qui se décompose en plusieurs sous-segments: la banque de détail proprement dite, la gestion de fortune, les crédits octroyés aux entreprises. «Chacun des ces sous-marchés évolue selon des caractéristiques propres. Pour un institut donné, il est important de pouvoir exploiter les synergies existantes entre ces différents segments», estime le spécialiste.
Priorité au maintien des acquis
Malgré la pression sur les marges, les instituts actifs dans la banque de détail ne cherchent pas à se réinventer, constate l’étude de l’IFZ, qui a analysé les chiffres de 90 instituts en Suisse. Leur priorité ne va pas à la conquête de nouveaux champs d’activités ou de nouvelles sources de revenus. «Dans un contexte de marché difficile, on aurait pu s’attendre à ce que les établissements mettent en place de nouvelles stratégies pour générer de nouvelles sources de revenus: par exemple, pour gagner des parts de marché en dehors de leur région géographique d’origine, pour collaborer avec des assurances ou racheter des gérants de fortune», met en perspective Andreas Dietrich, responsable de projet à l’institut IFZ.