La COP21 part des promesses volontaristes des Etats. Même la Chine et les Etats-Unis s’engagent dans un objectif global pour 195 pays de 55 gigatonnes de CO2 émis en 2030. Les promesses d’aujourd’hui, même si elles étaient tenues, sont insuffisantes pour ne pas dépasser la cible de 2 degrés. En deçà, les impacts du réchauffement climatique sont peut-être encore gérables.

Or une étude (1), parue en 2015 dans une revue scientifique réputée, vient de jeter un pavé dans la mare: pour ne pas dépasser cet objectif cible de 2 degrés, il faudrait laisser inexploitées 80% de nos réserves d’énergie fossile de charbon (50% du gaz, 30% du pétrole). Pour arriver à ce niveau de réserves fossiles non exploitées à jamais, il faut, par exemple pour une tonne de charbon extrait, en acheter quatre qui resteront à jamais sous terre, pour deux barils de pétrole extraits, un doit rester intouchable.

La limitation n’est pas le trait caractéristique de notre époque, le principe de sanctuariser de nombreux gisements va à l’encontre de bien des principes moteurs de nos économies… Arriver à s’entendre et à défendre ces réserves sanctuarisées semble impossible.

Cette sanctuarisation, pour pouvoir être mise en œuvre, ne doit pas pénaliser les pays producteurs. Est-ce possible? Le charbon, le gaz et le pétrole représentent chacun annuellement la même quantité d’énergie produite. Faisons un calcul grossier pour le pétrole.

Lorsque le prix du baril est à 40 dollars comme aujourd’hui, il en revient aujourd’hui en moyenne 20 dollars au propriétaire du gisement. On peut envisager un prix moyen de 20 dollars pour un baril qui resterait à jamais sous terre.

L’extraction annuelle de 30 milliards de barils doit entraîner la sanctuarisation de 15 milliards de barils. Soit pour une année, un investissement de 300 milliards de dollars.

Pour laisser sous terre 80% du charbon, il est nécessaire de prévoir un budget beaucoup plus important. L’ordre de grandeur de la sanctuarisation des énergies fossiles est de 3000 milliards de dollars par an.

Booster les entreprises de la transition

A quoi vont servir ces 3000 milliards? Le paiement des gisements sanctuarisés sera fait en capital bloqué dans des investissements d’avenir. Les montants mobilisés nous feront gagner du temps dans la mise en œuvre concrète des transitions énergétiques. Pour pouvoir exploiter, le producteur devra trouver un investisseur pour les gisements qui seront sanctuarisés. Au moment de la négociation, l’acheteur (les banques centrales ou les Etats) paiera le pays vendeur non en monnaie, mais en parts de capital d’entreprises nationales de développement (du solaire, de l’éolien, de l’isolation des bâtiments, etc.). Cela permettra de multiplier les investissements dans les énergies renouvelables, qui ne représentent aujourd’hui que 300 milliards de dollars.

Ces parts de capital, propriété des pays producteurs, entraîneront des bénéfices et on peut estimer que, dans dix ans, 25% des revenus des pays producteurs découleront de leur participation à la transition énergétique.

Trouver 3000 milliards de dollars chaque année

Si cette question environnementale devient la priorité mondiale, trouver ces 3000 milliards n’est pas hors de portée.

Tout d’abord, les banques centrales qui ont pu créer de l’ordre de 1000 milliards de dollars par an pour tenter de résoudre la crise financière depuis ses débuts doivent créer une banque mondiale du climat qu’elles capitaliseraient chaque année dans l’objectif d’achat de ces gisements sanctuarisés d’énergie fossile.

D’autre part, une taxe carbone fixée à 25 dollars la tonne de CO2 portant sur les 40 milliards de tonnes de CO2 de nos émissions annuelles, rapporterait la somme de 1000 milliards de dollars.

Enfin, selon une récente étude du FMI (2), aujourd’hui 5300 milliards de dollars subventionnent directement et indirectement annuellement l’exploitation des énergies fossiles. Les 500 milliards de subventions directes annuelles peuvent être réorientées rapidement.

La COP22: des engagements bouleversants à Marrakech

Le ralentissement des émissions promis par les Etats aujourd’hui réunis pour la COP21 ne sera qu’un répit. Il faut envisager dès aujourd’hui une COP22 qui imposera un mécanisme d’achat des réserves fossiles pour gérer collectivement l’achat des gisements sanctuarisés, biens communs de l’humanité. Les pays signataires de la COP22 devront s’engager fermement, sans fléchir devant les lobbies et les pays encore hostiles.

Les pays producteurs auront accepté deux contraintes: celle de vendre des gisements sanctuarisés et celle d’utiliser l’argent versé pour des projets d’investissement pour la transition énergétique.

Tous les pays signataires s’obligeront à boycotter les pays ne voulant pas sanctuariser les gisements en fonction de leur production et à soutenir les interventions fortes, rapides et automatiques de l’ONU envers un pays qui, ayant vendu un gisement sanctuarisé, voudrait tout de même l’exploiter.

La COP22 devra lancer son programme d’achat des premiers gisements dès 2017.