Finance
L’incertitude réglementaire pèse sur le moral des gestionnaires des établissements bancaires privés
Les banquiers privés veulent un vrai accès au marché européen
Gestion de fortune L’incertitude réglementaire et les «fausses priorités» de la Berne fédérale donnent des soucis aux établissements
Le compromis trouvé mercredi à Bruxelles autour de la directive européenne MiFID 2 sur l’accès aux marchés financiers est insatisfaisant aux yeux de l’Association des banques privées suisses (ABPS). Certes, les petites banques suisses n’auront pas l’obligation formelle, dès 2016, d’installer une succursale dans un pays européen pour démarcher des clients, mais de nombreux obstacles, notamment de conformité fiscale, demeurent, a expliqué l’ABPS jeudi à Berne, au cours d’une conférence de presse.
«Nous sommes déçus en bien», résume Michel Dérobert, secrétaire général de l’ABPS. Christoph Gloor, président de l’association, estime que «rien n’est gagné». Il constate que de nombreuses incertitudes demeurent sur les conditions de mise en application de cette directive, qui laisse à chaque Etat membre le soin de régler le problème de l’accès des pays tiers. Un accord a par exemple déjà été signé avec l’Allemagne, mais l’exercice sera long et difficile avec d’autres pays, constate l’ABPS. «La France n’est pas du tout libérale à cet égard», affirme Christoph Gloor. Des prélèvements fiscaux mensuels sont par exemple exigés pour certains placements. Les contraintes de contrôle fiscal direct ou indirect demandé aux établissements suisses sont jugées particulièrement discriminatoires et compromettent la compétitivité des services des établissements financiers helvétiques.
Oui à l’échange automatique
L’ABPS appelle donc de ses vœux la mise en place d’un véritable accord sur les services financiers avec l’Union européenne (UE). «La gestion de fortune est assimilable à une industrie d’exportation. L’accès au marché est donc essentiel pour elle et pour les emplois qu’elle procure», explique Nicolas Pictet, vice-président de l’ABPS. Reste qu’un accord bilatéral de libre circulation des services financiers entre la Suisse et l’UE n’est pas à l’ordre du jour politique, aussi bien du côté suisse qu’européen. La priorité est mise sur la résolution des problèmes institutionnels et le renforcement des accords existants, par exemple sur la fiscalité de l’épargne ou l’électricité.
«Nous sommes pourtant prêts, en contrepartie d’un accord sur les services, à offrir l’échange automatique d’informations en matière fiscale et une reprise de l’acquis communautaire passé et futur», signale Nicolas Pictet. L’ABPS reproche aussi aux autorités politiques de trop se concentrer sur les dossiers fiscaux et de réglementation au lieu de se pencher sur des mesures d’amélioration de la compétitivité, comme par exemple l’abolition du droit de timbre de négociation.
Quelle question fondamentale se posent les banquiers privés en ce moment? «C’est «Où serons-nous dans cinq ans?» constate Michel Dérobert. «Le problème c’est qu’en raison du flou des conditions-cadres, il est impossible d’y répondre.» Les prévisions de croissance de la gestion de fortune transfrontalière (offshore) sont bonnes, soit 5,7% par an jusqu’en 2017. La Suisse, avec Londres, est un réceptacle «naturel» pour le continent européen, mais les banquiers privés doivent-ils se rapprocher des marchés en forte croissance, en particulier asiatiques? Ces incertitudes sont au centre de leurs préoccupations actuelles.
Ils se demandent aussi s’ils doivent constituer des provisions dans le cadre du programme fiscal américain. «Je ne dévoile pas notre intention à ce sujet», répond au Temps Nicolas Pictet, dont la banque a été placée en catégorie 1, soit la plus exposée. «Je suis certain que plusieurs banques privées, qui se sont mises en catégorie 2 en pensant passer ensuite en catégorie 3, ne constitueront pas de provisions», affirme une source proche de ce dossier.