C’est l’histoire d’un paradoxe. Celui d’une génération précaire, a priori condamnée à errer de stages en contrats à durée déterminée. Mais qui voit aujourd’hui des entreprises s’adapter à ses envies plutôt que le contraire. «Les «Y» tirent leur force d’un alignement improbable de planètes», résumait en septembre dernier, dans les colonnes du Monde, Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, un cabinet spécialisé dans le capital humain. Selon elle, les organisations utilisent ces jeunes comme autant de bâtons de dynamite pour se transformer, devenir plus agiles.

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Deloitte et le Brooking Institute estiment que les «Y» représenteront 75% de la population active dans le monde à l’horizon 2025. «Plus tenace, cette génération est moins intéressée à entrer dans le moule et faire de longues carrières en entreprise», soulignait dans le quotidien français Alain Dehaze, président d’Adecco, numéro deux mondial du travail temporaire. A en croire une étude de l’Université de Laval (Québec), publiée l’an passé, la «Net génération» serait en effet trois fois plus encline à se mettre à son compte dès sa sortie d’école que les «baby-boomers» (27% contre 9%).

La filière disruptive

La filière du digital et de son approche disruptive ne sont que la partie émergée de l’iceberg «Y». Les moins de 35 ans sont en réalité investis dans des secteurs beaucoup plus diversifiés: distribution, mode, droit, comptabilité, sciences de la vie, santé, assurance, énergie, etc. Soit des segments similaires à leurs aînés, constate l’étude mondiale sur l’entrepreneuriat 2016 de la banque BNP Paribas, conduite par le cabinet Scorpio et publiée voici deux semaines.

Pour l’heure, la génération «Y» cumulerait un capital estimé à 5,6 milliards de dollars, estiment les analystes. Plus précoces (ils sont en moyenne âgés de 27,7 ans, contre 35,3 ans pour les générations antérieures), les «millennipreneurs» généreraient par ailleurs en moyenne 43% – jusqu’à 318% aux Etats-Unis – de revenus supplémentaires par rapport aux baby-boomers. Toujours d’après l’étude, leurs entreprises comptent en général 122 salariés, contre 30 pour celles de leurs prédécesseurs. Ils créent aussi en moyenne 7,7 sociétés, contre 3,5 en ce qui concerne leurs devanciers. Mais les «digital natives» doivent beaucoup à leurs aînés. Plus des trois quarts de la nouvelle génération auraient un passé familial d’entrepreneurs, précise Scorpio, contre 54% en ce qui concerne les baby-boomers.

L'étude contradictoire

Toutefois, un sondage publié mardi par l'Université d'Harvard, en collaboration avec le Washington Post, fait état d'une tendance à contre-courant de ce qui précède. En effet, depuis 2011 environ, les «Y» - échantillon âgé de 18 à 29 ans - sont plus que divisés quant à l'idée de lancer leur propre entreprise. Leur motivation à devenir indépendants aurait chuté à environ un tiers de la population concernée. Plus de la moitié d'entre-eux seraient revenus, notamment en raison d'un fort endettement à l'issue de leurs études, à des envies plus traditionnelles, soit un emploi stable, même si moins excitant. Ce revirement n'est toutefois valable, indique l'étude, que pour les jeunes de peau blanche et pas pour les Afro-Américains ou ceux d'origine hispanique.