Monsanto ne devrait bientôt plus exister. Du moins, c’est son nom qui devrait bientôt disparaître, comme l’a annoncé lundi la direction du groupe allemand Bayer. Ce dernier prévoit de boucler d’ici au 7 juin son opération de rachat du géant américain de l’agrochimie et de tourner la page, officielle, de Monsanto. «Bayer demeurera le nom de l’entreprise. Monsanto en tant que nom d’entreprise ne sera pas maintenu», fait savoir un communiqué de Bayer. «Les produits issus de l’acquisition conserveront leurs noms de marque et feront partie du portefeuille de Bayer», a toutefois précisé Werner Baumann, directeur général de Bayer. Sur le terrain, donc, les produits phares de Monsanto, tels que l’herbicide Roundup et ses OGM associés, Roundup Ready, continueront d’être commercialisés sous leur nom d’origine, mais associés au logo de Bayer.

Le nom glyphosate, associé à Monsanto, est évidemment le problème central de cette acquisition

Stefan Risse, expert des marchés financiers

La direction n’a pas justifié cette décision mais celle-ci a peu surpris en Allemagne. Depuis l’annonce il y a deux ans de sa volonté d’acheter Monsanto, le «grand méchant» de l’agrochimie, Bayer est sous le feu des critiques, notamment de la part des organisations environnementales et de l’opinion publique. Monsanto est associé au glyphosate, cet agent «tueur d’abeilles», et aux OGM, très décriés en Europe. «Nous allons écouter ceux qui nous critiquent et travailler ensemble», mais «le progrès ne doit pas être stoppé en raison d’un renforcement des fronts idéologiques», a déclaré Werner Baumann dans un communiqué.

Enorme enjeu d’image

«Le nom glyphosate, associé à Monsanto, est évidemment le problème central de cette acquisition, a expliqué Stefan Risse, expert des marchés financiers, interrogé par la chaîne de télévision allemande N24. Son image est très négative. Mais en pratique, ce changement de nom n’aura pas beaucoup de conséquences. On parle ici d’un business entre des entreprises et des agriculteurs qui connaissent déjà les produits. Ils sauront reconnaître l’ancien produit Monsanto derrière le nouveau nom Bayer.»

Lire aussi notre éditorial: Contre les pesticides, un pavé dans la mare bienvenu

Pour Bayer, l’enjeu en termes d’image est énorme. Connu essentiellement pour son produit phare, l’aspirine, le groupe de Leverkusen est lui-même régulièrement ramené à son passé par ses détracteurs. Développement de la bertholite durant la Première Guerre mondiale, un gaz de combat qui entraînait la mort par asphyxie, production pendant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre du conglomérat IG Farben du zyklon B, un gaz utilisé dans les chambres à gaz, scandale de produits contaminés au virus HIV dans les années 1980, le besoin de transparence est évident.

Le groupe tente donc de brosser son image. Bayer vient de lancer une opération de séduction via un site internet destiné à développer la transparence sur ses produits agricoles. Il milite en parallèle aussi auprès de la Commission européenne pour obtenir une prolongation de l’autorisation de commercialiser le glyphosate en Europe. Son argument clé: l’usage au compte-gouttes, et donc limité, de cet herbicide via des plantes adaptées.

Vers la maîtrise intégrale de la chaîne agricole

En acquérant Monsanto, Bayer vise à maîtriser la chaîne agricole dans son intégralité, des semences aux pesticides. Si Bayer est leader en matière de pesticides en Europe et en Asie, Monsanto est le géant des semences et des pesticides aux Etats-Unis. Bayer compte donc générer d’importantes synergies et renforcer la recherche et le développement, notamment pour créer des plantes peu consommatrices d’eau et d’implants.

Lire aussi notre grand format: Dans les champs romands, la bataille des pesticides

En attendant, Bayer doit mettre la main au porte-monnaie. Les 6 et 19 juin, le groupe allemand lancera une augmentation de capital de 6,9 milliards d’euros pour financer le rachat de Monsanto, qui s’élève à 62,5 milliards d’euros. Le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung se demandait lundi si le prix à payer pour cette acquisition n’était pas trop lourd en termes d’image et en termes financiers. Bayer a notamment été contraint de céder 9 milliards d’euros d’actifs à son compatriote BASF pour éviter toute situation de monopole.