La BCE aux antipodes de la Fed
politique monétaire
La Banque centrale européenne maintient ses taux à 1%. Contrairement à son homologue américaine, ses injections de liquidités dans l’économie plafonnent. Son responsable, Jean-Claude Trichet estime que la discipline budgétaire «ne va pas assez loin».
La Banque centrale européenne a décidé jeudi après-midi de maintenir son principal taux directeur à 1% pour le 18e mois d’affilée. Elle maintient ainsi son cap sans surprise alors que de son côté, la Réserve fédérale américaine a annoncé mercredi une nouvelle injection de 600 milliards de dollars pour soutenir l’économie américaine.
À l’issue de la réunion des responsables de l’institution, son président a jugé que les réformes proposées par les pays européens pour renforcer la discipline budgétaire n’allaient «pas assez loin», notamment en termes d’automaticité des sanctions. Les gardiens de l’euro sont «inquiets qu’il n’y ait pas suffisamment d’automaticité de la surveillance» des dérapages des pays européens aux limites d’endettement et de déficit fixées par Bruxelles, selon Jean-Claude Trichet. La BCE est «favorable à une très très forte conditionnalité, pour éviter qu’un [mécanisme d’aide] permanent n’incite à des politiques fiscales laxistes», a-t-il encore ajouté. Jean-Claude Trichet a exposé sa position aux chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles la semaine dernière, et l’échange a été «assez tendu», a-t-il confié.
L’institution monétaire est aussi opposée à une procédure de restructuration ordonnée de la dette d’un Etat défaillant, un principe adopté par les gouvernements devant l’insistance de l’Allemagne. «Du point de vue de la banque centrale, cela risque d’entraîner une flambée du coût des emprunts des Etats membres les plus fragiles», interprète Marco Annunziata, économiste en chef chez UniCredit. Dans la foulée du sommet européen de Bruxelles, les taux obligataires imposés à l’Irlande et le Portugal – deux pays de la zone euro aux finances publiques particulièrement détériorées – se sont tendus. Ces tensions auraient poussé la BCE à acheter des obligations irlandaises mardi, selon une source de marché interrogée par Dow Jones Newswires.
En dehors de cette possible intervention ponctuelle, la BCE n’est plus revenue sur le marché obligataire depuis début octobre. Lancée début mai pour stabiliser les marchés en pleine crise de la dette grecque, son programme d’achats d’obligations publiques plafonne à 63,5 milliards d’euros. Cette mesure inédite dans l’histoire de la BCE est une pierre d’achoppement entre Jean-Claude Trichet et Axel Weber, le président de la Bundesbank et prétendant officieux à la succession du Français à l’automne 2011. La BCE, qui garde toujours à l’esprit l’idée d’un retrait graduel de ses mesures non conventionnelles, se situe actuellement aux antipodes de la Fed, qui a décidé mercredi d’injecter 600 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie américaine pour soutenir sa reprise et les prix.