Innovation
La technologie sous-jacente au bitcoin sert déjà pour des projets publics comme l’identité numérique à Zoug, le Registre du commerce à Genève, à Paléo ou dans la finance. Les applications possibles semblent infinies

Tandis que les montagnes russes du bitcoin fascinent une partie de la planète, certains se concentrent sur les applications que permet sa technologie, la blockchain. Cette «chaîne de blocs» en français représente une sorte de registre numérique infalsifiable, accessible à tous, sécurisé et décentralisé. Dans ce système, les utilisateurs peuvent valider les transactions des autres, tandis que les intermédiaires n’ont plus de raison d’être.
Or si le bitcoin et les autres cryptomonnaies reposent sur une telle technologie dont les paramètres peuvent en partie varier, les entreprises et le secteur public ont commencé à entrevoir son potentiel pour leurs propres activités. «Tous les secteurs sont en train d’y penser et de tester des applications possibles. C’est le cas pour la banque, l’audit, le secteur médical, le trade finance, la gestion des droits, l’immobilier, l’art et bien d’autres», explique Antoine Verdon, entrepreneur et investisseur dans les fintech.
De fait, une étude réalisée par IBM en Suisse en mars dernier avait montré que la plupart des entreprises suisses s’intéressaient à cette technologie, en particulier dans le secteur des transports et de la distribution. L’axe? «Dans l'immédiat, simplifier les processus pour faire des économies et, à long terme, développer de nouvelles sources de revenu, basées sur de nouveaux modèles d’affaires rendus possible par la blockchain», poursuit le spécialiste. Considérée comme aussi révolutionnaire qu’Internet à ses débuts, la blockchain captive aussi en Suisse.
Lire aussi: «La Suisse est dans le top 3 mondial pour la blockchain»
Tour d’horizon (non exhaustif) des initiatives qui existent à un stade plus ou moins avancé.
■ Paléo expérimente
L’été dernier, le Paléo Festival a mené un projet pilote avec SecuTix, éditeur d’une solution cloud de billetterie. Le but? Tester le processus d’émission, de transfert et d’activation des billets à partir d’une application mobile basée sur la blockchain et, ainsi, limiter les reventes de tickets au marché noir. «Nous avons pu vérifier qu’il est aussi simple de transférer un billet que d’envoyer un SMS», expliquait David Franklin, responsable de la billetterie au Paléo Festival en novembre dernier. Les utilisateurs – plus de 200 responsables de stands privés qui pouvaient distribuer un total de 10 000 billets à leurs 2420 employés – y ont eu accès via une application et un «wallet» connecté à la blockchain et au logiciel de contrôle d’accès, le tout étant traçable et sécurisé. L’idée est d’élargir ce système par étapes car il faut tenir compte de certaines contraintes, ajoute au Temps David Franklin, responsable du développement numérique de la billetterie. Cette année, le projet devrait être étendu à une partie encore «très restreinte» du public.
■ A Zoug, une identité numérique
A une autre extrémité de la Suisse, la ville de Zoug a profité d’être entourée de start-up spécialistes de la blockchain pour lancer son identité numérique basée sur cette technologie. Alors que plusieurs grandes entreprises suisses se sont associées pour lancer SwissID, la commune a voulu aller un cran plus loin et proposer ce système à ses résidents qui garantit que les données ne peuvent pas être falsifiées. Une poignée pour l’instant seulement, le projet étant encore à l’étape du projet pilote. La ville évalue plusieurs fonctions possibles, comme l’accès aux services administratifs électroniques, des locations de vélos via la blockchain, la gestion numérique des parkings ou l’emprunt de livre sans carte de bibliothèque.
■ Créer son entreprise à Genève en 48 heures
D’autres pans du secteur public s’intéressent à cette nouvelle technologie. Ainsi, le canton de Genève et l’organisation E-Government testent un Registre du commerce qui devrait être plus rapide – les documents doivent être vérifiés et transmis en vingt secondes – et produire moins de papier. Un test qui doit durer six mois et qui est d’autant plus crucial que Pierre Maudet a l’intention d’étendre l’utilisation de cette technologie à d’autres domaines: «A la police, par exemple, pour obtenir un casier judiciaire, ou encore à la fiscalité», expliquait en août le ministre genevois en charge de l’Economie et de la Sécurité. De quoi réduire de six semaines à 48 heures le processus de création d’une entreprise.
Lire aussi: Genève rêve de convertir la Suisse au blockchain
■ Gublin applique la technologie aux pierres précieuses
Les entreprises ne sont pas en reste. C’est Kodak, qui a vu son action doubler début janvier, à l’annonce de son projet de plateforme pour que les photographes puissent être rémunérés grâce à son KodakCoin. Mais les sociétés suisses y travaillent aussi. Dernière en date à l’annoncer, Gublin travaille à une blockchain permettant d’accroître la transparence dans l’industrie des pierres précieuses. Le système devrait permettre de suivre les pierres sur toute la chaîne de production, de la mine au consommateur final. L’entreprise veut également assurer la confidentialité des données, mais elle ne dit pas comment elle va réconcilier cela avec la transparence qu’elle souhaite mettre en avant.
Lire aussi: Kodak veut se relancer avec la blockchain
■ UBS joue la carte des alliances
La finance a également été l’une des premières industries à se pencher sur les mérites de cette technologie. Plusieurs banques ont d’ailleurs lancé des initiatives communes. C’est le cas d’UBS, qui s’est alliée à Deutsche Bank et BNY Mellon, puis Credit Suisse, entre autres, pour constituer un utility settlement coin (USC) qui doit faciliter les transactions dans le négoce de titres. Lorsqu’un client veut acheter une action, le transfert des fonds prend parfois du temps, ce qui ralentit la transaction, alors que les USC, libellés dans plusieurs monnaies et échangés entre les banques permettront de l’accélérer. Probablement d’ici à la fin de l’année.
Qu'est-ce que la blockchain?
Directeur général la société spécialisée dans la blockchain Iprotus à Zoug, Soren Fog avait cette formule pour décrire cette technologie: «Un système de stockage de la vérité.» D’abord connue comme la technologie qui sous-tend le bitcoin, la blockchain – ou chaîne de blocs en français – représente une sorte de registre numérique infalsifiable, accessible à tous, sécurisé et décentralisé. Dans ce système, les utilisateurs peuvent valider les transactions des autres, tandis que les intermédiaires n’ont plus de raison d’être. Il existe différentes formes de blockchains, la deuxième la plus connue étant celle de l’éther, la cryptomonnaie rivale du bitcoin, dont les paramètres diffèrent en partie. (MF)