Donald Trump s’est-il tiré une balle dans le pied en engageant une guerre commerciale contre la Chine? Visiblement oui. A l’instar d’Apple qui a concédé mercredi une baisse des ventes des iPhone dans l’Empire du Milieu, de nombreuses entreprises américaines souffrent de la décélération de la consommation chinoise, résultat direct de la guerre commerciale entre les deux puissances.

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Le phénomène ne passe plus inaperçu. «Les actions de nombreuses sociétés dont Boeing, Caterpillar ainsi que celles des sociétés technologiques comme Western Digital ont chuté à Wall Street la semaine passée, fait remarquer Thomas Costerg, économiste et spécialiste des Etats-Unis chez Pictet Asset Management à Genève. Le cas de Delta Airlines est parlant. La compagnie prévoit un recul de son chiffre d’affaires alors même que le prix du pétrole évolue à la baisse.» Selon l’agence Bloomberg, les entreprises américaines installées en Chine, Starbucks par exemple, témoignent aussi de ventes qui diminuent.

La demande chinoise en baisse

Tim Cook, le patron d’Apple, est affirmatif: «L’environnement économique en Chine a été définitivement affecté par la montée des tensions commerciales.» Selon lui, le ralentissement a frappé non seulement le pouvoir d’achat des consommateurs chinois, mais aussi leur confiance. «Il faut s’attendre à ce que d’autres entreprises américaines revoient leurs résultats à la baisse», a renchéri jeudi Kevin Hassett, président du Comité des conseillers économique à la Maison-Blanche, cité par Bloomberg.

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L’effet boomerang de la guerre commerciale lancée par le président Trump se voit non seulement à Wall Street, mais aussi dans l’indice ISM manufacturier qui reflète la santé du secteur industriel. Celui-ci a enregistré en décembre sa plus forte baisse sur un mois depuis la crise financière de 2008. Les économistes sont par ailleurs unanimes: l’incertitude liée aux tensions commerciales ainsi que la fin du stimulus par la baisse d’impôt ralentiront le taux de croissance américain à au-dessous de 3% au 4e trimestre 2018. Au trimestre précédent, il était de 3,5%. Selon le Fonds monétaire international, l’économie américaine ralentira à 2,5% cette année, contre 2,9% en 2018.

Donald Trump quelque peu perplexe

«Nous sentons que Donald Trump est quelque peu perplexe depuis quelques semaines, poursuit Thomas Costerg. Il a sûrement compris que les Chinois souffrent de la guerre commerciale, mais les Américains ne sont pas en reste.» Dès lors, selon lui, le président américain pourrait montrer une certaine souplesse dans ses revendications par rapport à la Chine.

Justement, une délégation américaine entame des négociations ces lundi et mardi à Pékin en vue d’enterrer la hache de guerre commerciale. Cette rencontre fait suite au sommet du 1er décembre dernier entre Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping en marge du sommet du G20 en Argentine. Les deux dirigeants avaient alors signé une trêve de 90 jours. Plus concrètement, la Chine a temporairement suspendu les surtaxes sur l’automobile américaine et autorisé l’importation de soja américain. Pour sa part, Washington se retient d’augmenter les surtaxes de 10 à 25% comme prévu à partir de ce mois de janvier.

Et encore: 90 jours de trêve pour tenter d’enterrer la guerre commerciale

Le Ministère chinois du commerce a confirmé vendredi que «des discussions actives et constructives» seront engagées entre les deux puissances. Le Financial Times de vendredi s’est montré toutefois plutôt sceptique. Selon le quotidien, le chef de la délégation américaine Jeffrey Gerrish est l’un des faucons de l’administration Trump et serait peu enclin à faire des concessions. Une deuxième rencontre sino-américaine est prévue en janvier à Washington. Il est aussi probable que des discussions se poursuivent à la fin du mois en marge du Forum de Davos. Le président américain sera de la partie. La Chine sera, elle, représentée par son vice-président Wang Qishan.

La trêve échoit fin février

«En fin de compte, les deux puissances ont intérêt à négocier un compromis avant l’expiration de la trêve qui échoit à fin février, estime Thomas Costerg. Cela est possible quitte à résoudre les problèmes structurels dans les relations commerciales sino-américaines à plus long terme.»

Pénalisé par les surtaxes punitives américaines, Pékin se voit pratiquement obligé de se plier. «Désormais, les autorités chinoises sont contraintes de prendre des mesures pour soutenir l’activité, note Thomas Costerg. Elles multiplient aussi les concessions pour satisfaire les revendications américaines.» Un projet de loi qui mettrait fin au transfert de technologie forcé vers les partenaires chinois est sur la table. Dès le 1er janvier, Pékin a aussi baissé les droits de douane sur une large gamme de produits.