Bruxelles discrimine les exportateurs suisses
Commerce
Selon une étude de l’université de Saint-Gall, l’Union européenne a pris une série de mesures à la limite de la légalité pour protéger son économie et fait subir des dommages collatéraux à la Suisse. Pas moins de 141 mesures étaient encore en vigueur à la fin 2016

En matière commerciale, l’Union européenne (UE) ne fait pas de cadeau à la Suisse. Ces dernières années, elle a profité des flexibilités dans les accords bilatéraux et multiplié des mesures contraires aux intérêts des exportateurs suisses. C’est la conclusion d’une étude réalisée par Global Trade Alert, un mécanisme international crée en 2008 par le G20 et hébergé par l’Université de Saint-Gall, qui traque les mesures discriminatoires mises en place par les Etats contre d’autres.
Entre 2008 et 2016, 200 mesures nuisibles ont ainsi été prises par les Vingt-Huit à l’encontre de la Suisse. A la fin de l’année dernière, 141 d’entre elles étaient toujours en vigueur. Durant cette même période, l’économie suisse a bénéficié de 37 mesures prises par l’UE, dont 23 sont encore en vigueur.
Tentations protectionnistes
Dans sa dernière édition, La vie économique, une publication du Secrétariat d’État à l’économie (SECO), fait écho de cette étude dirigée par Simon J. Evenett, professeur du commerce international et de développement économique à l’Université de Saint-Gall. Selon lui, les mesures interventionnistes ont été particulièrement nombreuses depuis l’éclatement de la crise financière et économique de 2008. «Etant donné que nombre de ces interventions restent encore en vigueur, elles affectent la petite économie ouverte qu’est la Suisse, écrit le professeur. Dans les périodes de forte tension économique ou de stagnation, la tentation est grande de faire passer les intérêts nationaux avant ceux des pays étrangers.»
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Les interventions protectionnistes européennes sont multiformes. Mais les plus courantes (141 sur 200) concernent les aides d’Etat qui, de façon générale, constituent une distorsion au commerce international. Dans le contexte de crise, de nombreux gouvernements sont intervenus pour aider des entreprises en difficulté dans le but d’éviter une faillite et de sauver des emplois. L’agriculture européenne – qui a souffert d’une part de la surproduction, notamment de lait et de viande, et d’autre part de l’embargo russe contre les produits agricoles – en a été l’une des grands bénéficiaires.
Excédents laitiers
A titre d’exemple, le 18 juillet dernier, les producteurs européens de lait ont obtenu une aide communautaire de 500 millions d’euros. Dans le même registre, Bruxelles a décidé en mai 2015 la distribution de fruits et de lait dans les écoles comme une réponse à la surproduction. De la même manière, les producteurs de porc ont obtenu des aides pour construire de facilités de stockage. De telles aides d’Etat se font au détriment d’exportateurs, même si techniquement, elles ne violent pas les accords bilatéraux.
Toujours selon l’étude de Global Trade Alert, une autre forme d’intervention consiste à imposer des quotas d’importations. L’UE en a recours régulièrement pour protéger ses producteurs de la concurrence. En décembre 2011 par exemple, Bruxelles a imposé des quotas à l’importation des pommes, des poires et de certains légumes, dont la courgette.
Le SECO conciliant
L’étude n’évalue toutefois pas le manque à gagner pour les exportateurs suisses. «Il ne s’agit pas des barrières à l’importation, explique Simon J. Evenett au Temps. Les mesures discriminatoires européennes sapent la compétitivité des exportations suisses.» Selon lui, Berne a de quoi déposer plainte contre Bruxelles auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Réponse du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) qui se veut conciliant: «Les politiques et mesures commerciales de l’UE, tout comme celles de la Suisse, sont régulièrement et continuellement discutées au sein de comités joints établis selon l’Accord de libre-échange de 1972 et d’autres accords bilatéraux, ainsi que dans des comités à l’OMC.»
L’UE reste toute de même le principal débouché pour les exportations suisses. De 2000 à 2015, elles ont augmenté de 141%, pour atteindre près de 130 milliards de francs, accusant un recul au plus fort de la crise en 2012. Le commerce a aussi ralenti à cause de l’appréciation du franc par rapport à l’euro depuis 2007.