Chose promise, chose due. Comme elle l’avait annoncé lors d’une réunion des ministres des Finances le 16 septembre à Tallinn, en Estonie, la Commission européenne a présenté jeudi les grandes orientations de ce que devrait être la future taxation de l’économie numérique dans l’Union européenne (UE) et annoncé des initiatives législatives pour le printemps 2018.

Poussé par un groupe de pays membres – France, Allemagne, Italie et Espagne en tête – particulièrement soucieux de savoir comment parvenir à taxer de manière homogène ces grandes entreprises du numérique que sont Google, Uber ou Airbnb, l’exécutif européen a lancé des pistes de travail dont il testera l’effet ces prochains mois.

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Enjeu immense

L’enjeu est immense. Selon la Commission, le taux d’imposition effectif des entreprises numériques dans l’UE serait en effet d’à peine 9% aujourd’hui, alors que celui des entreprises traditionnelles s’élève à plus de 20%. Son objectif est de tracer «une approche commune et cohérente» susceptible d’obtenir le plus grand soutien auprès des Vingt-Sept, comme l’a souligné le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis. Un exercice toujours périlleux en matière de fiscalité, où l’unanimité reste la règle.

Solution internationale privilégiée

Bruxelles a clairement une préférence: il faudrait dans l’idéal parvenir à une solution concertée dans le cadre de l’OCDE et revoir les règles sur l’établissement stable, qui prévoient pour l’heure que l’on taxe une entreprise sur la base de ses actifs physiques. Cette voie internationale est clairement «notre option privilégiée», a dit une source européenne. Elle permettrait entre autres de mieux définir le lien entre la façon dont la valeur est créée et le lieu où elle est taxée.

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Autre ambition secrète de la Commission: régler la taxation de l’économie numérique via son vieux projet controversé d’harmonisation des règles européennes sur l’impôt des sociétés. Mais compte tenu du peu d’appétence des Etats membres pour une telle réforme, il faudrait un miracle pour que ce projet se concrétise en 2018.

Trois pistes pour le court terme

Sur le court terme, Bruxelles ne voit donc que trois pistes possibles. La première reprend en grande partie l’idée française d’une taxe ciblée sur le chiffre d’affaires généré par les entreprises numériques dans chaque pays européen et non plus sur le bénéfice, qui sert actuellement de référence pour l’impôt sur les sociétés.

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Il s’agirait ici de cibler tous les revenus non taxés ou «insuffisamment taxés» générés par toutes les activités de ces entreprises. Et elles sont variées. Par exemple, Amazon, Zalando, Alibaba vendent des biens ou mettent en contact des vendeurs et des clients en échange d’une commission. Facebook engendre des revenus publicitaires en proposant de la publicité ciblée à ses utilisateurs, Airbnb ou Blablacar mettent en commun des utilisateurs pour qu’ils partagent un logement ou une voiture en prélevant une commission sur chaque transaction. Cette taxe sur les revenus non taxés ou insuffisamment taxés pourrait être déductible de l’impôt sur le bénéfice.

Taxe sur certains paiements

La seconde option consiste en une retenue à la source sur les transactions numériques. Il s’agirait de prélever une taxe sur certains paiements effectués par le consommateur pour des biens ou des services en ligne.

Enfin, la troisième et dernière option ressemblerait à un prélèvement sur les revenus générés par la fourniture de services numériques ou les activités publicitaires. «Un prélèvement pourrait être appliqué sur toutes les transactions conclues à distance avec des consommateurs dans un pays donné où une entité non résidente a une présence économique significative.»

Tous ces scénarios seront passés au crible dans les prochains mois. Un premier test sera le sommet européen informel du 29 septembre à Tallinn consacré à l’économie numérique. Certains pays, comme l’Irlande, sont déjà parfaitement opposés à cette action européenne. D’autres, comme la Belgique ou le Luxembourg, semblent aussi en retrait, privilégiant d’abord une action internationale mais admettant, comme l’aurait confié le 16 septembre le ministre belge des Finances, Johan Van Overtveldt, que l’UE ne pourra pas non plus attendre l’OCDE «indéfiniment».