Sur le marché du café, on frise la surdose. La guerre des capsules n’en finit pas et après les dosettes compatibles Nespresso, dont chaque détaillant helvétique commercialise sa propre version, le discounteur Lidl s’attaque désormais au créneau occupé par Migros et ses machines Delizio. Tandis que, dans les rayons des kiosques, l’offre en boissons lactées caféinées dépasse parfois celle des sodas et que ne cessent de fleurir dans les villes des enseignes plus ou moins artisanales spécialisées dans l’art de l’espresso, du cappuccino, macchiato et autres.

Face à cette apparente saturation, pourtant, Nespresso annonçait mercredi ajouter dix nouvelles lignes de production à son usine de Romont (FR), où, avec ses sites vaudois d’Avenches et d’Orbe, la filiale du géant de l’alimentation Nestlé concentre sa production mondiale. Un investissement chiffré à 160 millions de francs, conduisant à la création de 300 nouveaux emplois au sein de la manufacture fribourgeoise, qui en compte 368 actuellement.

Fin mai, son concurrent néerlandais JDE Peet’s (contrôlé par JAB Holding), numéro deux du café avec les marques L’Or, Senseo et les enseignes américaines Peet’s Coffee, signait la plus importante entrée en bourse européenne depuis 2018, en levant 2,25 milliards d’euros.

Lire également: Nespresso: un nouveau patron pour redynamiser la croissance

«La consommation de café est très répandue sous nos latitudes, mais au niveau mondial, le potentiel de croissance est énorme», estime Jean-Philippe Bertschy, analyste à la banque Vontobel. En particulier en Asie, où on lui préfère encore le thé, mais qui voit se développer une offre portée par l’essor d’une classe moyenne. Idem en Amérique latine et dans les pays producteurs, «où le café s’impose comme un produit de base», ajoute John Plassard de Mirabaud. Qu’il soit conditionné sous forme soluble, mais aussi sous forme de boisson lactée sucrée prête à consommer.

Augmenter le prix plutôt que le volume

Les capsules restent, quant à elles, l’apanage des économies développées, bénéficiant d’une progression continue – Nespresso affiche une croissance estimée à 5% au niveau mondial et plus de 10% aux Etats-Unis. Et même dans l’environnement de récession actuel, les ventes de dosettes, bien que chères, devraient se maintenir: «Elles demeureront plus avantageuses économiquement que de boire son café hors du domicile», selon Matthew Barry, spécialiste boissons auprès du cabinet d’analyse Euromonitor. «Dans un contexte de crise sanitaire, l’emballage gagne en intérêt par rapport au vrac en termes de sécurité alimentaire», note au passage Jean-Philippe Bertschy.

Lire également: «Il faut réinventer le capitalisme», selon le négociant en café Nicolas Tamari

Reste que ces marchés arrivent à maturité. «Le potentiel de développement des machines à dosettes reste très significatif aux Etats-Unis, où la pénétration de tels équipements dans les ménages américains est de l’ordre de 20-30%», observent les analystes d’Oddo BHF. En Europe, en revanche, ce taux atteint presque 60% et ne devrait guère dépasser les 70%.

Plutôt que le volume, les géants du secteur visent désormais la montée en gamme: JDE Peet’s s’est allié fin 2018 à la marque italienne Illy pour la production de capsules, qui seront par ailleurs désormais en aluminium recyclable plutôt qu’en plastique.

Les 160 millions de francs d’investissements annoncés mercredi par Nespresso serviront, quant à eux, au développement de la ligne Vertuo, un système qui permet des cafés allongés sur mesure. La filiale de Nestlé – le géant a fait du café un des piliers de sa croissance – veut aussi développer sa gamme Professional, destinée aux entreprises et à l’hôtellerie.