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La hausse du chômage accroît les tensions sur les fondations de libre passage, où sont placés les avoirs des chômeurs. La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle lance l’alerte

Les chômeurs subissent une peine en deux temps. Non seulement leur revenu baisse, mais leur rente future sera réduite. Ils continuent de payer des cotisations pour la protection contre le risque de décès et d’invalidité́, mais ils ne peuvent pas verser des cotisations d’épargne.
En sortant de leur entreprise, ils quittent leur caisse de pension et leurs avoirs sont placés sur un compte de libre passage en attendant qu’ils retrouvent un emploi. Ce système est peu connu du grand public. Mais aujourd’hui les fondations de libre passage sont «menacées dans leur survie», a déclaré mardi devant la presse Manfred Hüsler, directeur du secrétariat de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP). Quel est l’enjeu pour les assurés? Pourquoi les risques augmentent-ils?
Les institutions de libre passage gèrent 55 milliards de francs, répartis en quelque 2 millions de comptes. Cet argent y est parqué mais l’assuré ne peut y verser des cotisations même s’il le désirait.
Le problème des taux négatifs
Le besoin de s’adresser à une fondation de libre passage se produit lors du départ du salarié à l’étranger, de la gestion de l’épargne destinée à l’acquisition d’un logement ou pour répondre aux souhaits d’indépendants non affiliés à la prévoyance professionnelle obligatoire.
De nombreuses fondations de libre passage sont adossées à une banque ou à une assurance et offrent une bonne sécurité, selon un expert. Par contre, les fondations de libre passage indépendantes ne peuvent s’appuyer sur aucun établissement de ce type, si bien que si elles font faillite, tous les avoirs risquent d’être perdus.
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«L’aggravation de la situation économique et de la persistance des intérêts négatifs devraient conduire de plus en plus de ces fondations à se retirer du marché́ et, dans le pire des cas, à des liquidations», prévient Manfred Hüsler. Les institutions de libre passage recevront de plus en plus d’argent en raison de la situation du marché du travail, mais elles ne peuvent pas en profiter. Par nature, comme les assurés n’y sont présents que temporairement, elles placent les fonds à court terme à des taux négatifs, mais la loi leur interdit de répercuter cet impact sur les assurés, selon la CHS PP.
Compte tenu de la difficulté à être accueillis par des fondations de libre passage, les chômeurs se tournent vers l’Institution supplétive (IS), une organisation à but non lucratif qui agit sur mandat de la Confédération. L’IS doit les accueillir, mais à des conditions peu favorables puisqu’elles sont au minimum légal. Elle gérait 14 milliards de francs à la fin de 2019. L’IS souffre aussi des taux négatifs que la loi l’empêche de reporter sur les assurés, indique Catherine Pietrini, vice-présidente de la CHS PP.
Un quart du capital de prévoyance en sous-couverture
Mardi, les autorités de surveillance ont aussi dénoncé le niveau jugé «trop élevé» des taux de conversion, qualifié de «risque prépondérant du 2e pilier», selon Catherine Pietrini. Le taux de 6,8% est inadapté aux conditions-cadres financières et démographiques. Il en résulte un effet de redistribution des assurés actifs au profit des retraités, qui atteint 7,2 milliards de francs en 2019.
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La crise économique a pénalisé les caisses de pension même si elles étaient relativement bien préparées, selon Vera Kupper Staub, présidente de la CHS PP. Les réserves de fluctuations de valeur, lesquelles sont nécessaires pour affronter un krach boursier, atteignaient 65% de la valeur cible en fin d’année.
A la fin d'avril, un quart du capital de prévoyance est en découvert, contre 1% à la fin de 2019. Malgré l’ampleur des dégâts économiques liés à la pandémie, le taux de couverture atteint 105,6% à la fin d'avril, contre 111,6% à la fin de l’année dernière.