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Calculer autrement l’impact des plans de relance

Le débat porte sur les modèles néo-keynésien et keynésien. Objet de la discorde: l’évaluation de l’impact des programmes de relance budgétaire. Pour Romer et Bernstein, économistes conseillers du gouvernement Obama, une hausse de 1% du PIB des dépenses budgétaires augmente le PIB réel de 1,6%. Pour d’autres, le multiplicateur est très inférieur à 1.

Les conseillers économiques de l’administration Obama, Christina Romeret Jared Bernstein, ont évalué l’effet d’une hausse de 1% des dépenses budgétaires à 1,6% du PIB réel. On dit alors que le multiplicateur est de 1,6. Au total, le plan de relance devrait augmenter le PIB américain de 3,6% au quatrième trimestre 2010 et créer 3,5 millions d’emplois. Le modèle macroéconomique keynésien utilisé est-il robuste et les résultats crédibles?

La même politique produit un effet considérablement inférieur selon le modèle d’un autre économiste réputé, John Taylor. La raison tient au fait que, dans son cas, l’augmentation des dépenses publiques induit progressivement un effet négatif sur l’investissement et la consommation privée. Comme l’indiquent quatre économistes dans une récente étude, cette incertitude sur l’effet quantitatif porte le débat sur les modèles économiques eux-mêmes et leur robustesse. Romer et Bernstein échouent à ce test de robustesse.

Les quatre économistes cités emploient le modèle néo-keynésien le plus réputé du moment, appelé Smets-Wouter. C’est le plus connu des modèles de ce genre, et il se distingue des keynésiens traditionnels par le fait qu’ils supposent que les acteurs économiques (individus et entreprises) anticipent les événements et agissent de façon rationnelle. Leur comportement s’adapte au nouvel environnement. Par contre les modèles keynésiens traditionnels, comme celui de Romer et Bernstein, font abstraction des attentes rationnelles. Il semble ainsi que les modèles néo-keynésiens sont mieux adaptés à des fins de politique économique.

L’une des hypothèses de Romer et Bernstein, selon lesquels les taux d’intérêt restent inchangés, est hautement improbable. En fixant les taux à 0% de façon permanente, l’instabilité s’installe. Une hausse permanente des dépenses publiques pousse les taux d’intérêt à la hausse. Leur maintien forcé à 0% ne peut mener qu’à l’inflation, voire à une hyperinflation, selon les quatre auteurs de l’étude.

Pour leur test du modèle néo-keynésien, ils maintiennent les taux d’intérêt à 0% en 2009 et 2010. Le résultat produit un multiplicateur bien plus bas que le modèle traditionnel. En 2011, l’impact du plan de relance 2009 atteint seulement le tiers du niveau attendu par Romer et Bernstein. La raison tient au fait que les dépenses gouvernementales pénalisent la consommation et l’investissement privé. A la fin 2012, le multiplicateur n’est finalement que de 0,6.

Le plan de relance budgétaire contient pour moitié des transferts et pas seulement des achats de biens et services. En adaptant le modèle à ces conditions plus réalistes, les quatre économistes obtiennent un multiplicateur encore plus bas. Il devient même négatif en 2013 et cela pour plusieurs années.

Si Romer et Bernstein prévoient une hausse de 3,6% du PIB et 3,5 millions d’emplois grâce au plan de relance, les quatre économistes équipés du modèle néo-keynésien parviennent à un résultat six fois plus modeste, soit une hausse de 0,65% du PIB et la création de seulement un demi-million d’emplois. Leur travail porte le doute sur l’estimation gouvernementale selon laquelle 90% des nouveaux emplois viendraient du secteur privé.