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Caritas dénonce la passivité de la Confédération face à la pauvreté

La Suisse affiche une croissance solide et presque le plein emploi. Mais paradoxalement, un million de personnes y vivent dans la précarité. Pour Caritas, Berne doit assumer son rôle central

En Suisse, un million de personnes ne disposent pas de minimum vital et la situation ne s'améliore pas malgré sa solide croissance.  — © Gaëtan Bally/Keystone ©
En Suisse, un million de personnes ne disposent pas de minimum vital et la situation ne s'améliore pas malgré sa solide croissance.  — © Gaëtan Bally/Keystone ©

Quelque 615 000 personnes vivant en Suisse sont touchées par la pauvreté. Concrètement, elles se débrouillent avec des revenus qui sont au-dessous du minimum vital tel qu’il est défini par l’Office fédéral des assurances sociales: 2247 francs par mois (loyer et assurances obligatoires comprises) pour une personne seule, 3981 francs pour une famille avec deux enfants. Et 600 000 autres vivent dans des conditions précaires, juste au-dessus du seuil de la pauvreté. Ces chiffres avaient été publiés au printemps dernier par la Confédération, qui avait relevé l’urgence et la nécessité d’agir.

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«Dans une telle situation, nous nous attendions à ce que la Confédération mette les bouchées doubles dans la lutte contre la pauvreté, s’exclame Bettina Fredrich, responsable des questions de politique sociale chez Caritas Suisse. Dans la pratique, Berne renonce à ce rôle central et directif et s’en décharge sur les cantons.» En effet, la Confédération avait consacré 9 millions de francs pour la mise en œuvre du Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté 2014-2018, soit 2,2 millions de francs par an. Désormais, elle ne compte y mettre que 500 000 francs par an, jusqu’en 2024.

Volte-face de Berne

Lors d’un point de presse lundi, Caritas, qui est la plus importante organisation d’entraide privée active en Suisse, s’élève avec force contre la volte-face de Berne et entend le dire de vive voix au président de la Confédération le 7 septembre lors de la Conférence nationale contre la pauvreté. Alain Berset y défendra la position du Conseil fédéral. «Nous lui dirons de revenir sur sa décision», insiste Bettina Fredrich tout en faisant ressortir que «la pauvreté a encore augmenté ces deux dernières années en Suisse».

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«Le Conseil fédéral ne peut pas croiser les bras et se contenter d’observer de loin l’évolution de la pauvreté en Suisse», dénonce pour sa part Hugo Fasel, le directeur de Caritas. Selon lui, l’évolution actuelle est en contradiction avec la Constitution qui garantit que toute personne vivant en Suisse doit se voir garantir des conditions décentes d’existence et peut obtenir un soutien en cas de nécessité. «Nous avons des assurances sociales dans tous les domaines, sauf pour les familles monoparentales, renchérit Bettina Fredrich, qui affirme que les cas de telles familles sont les plus dramatiques. Les familles monoparentales, les familles de trois enfants et plus, les personnes peu qualifiées et qui n’arrivent pas à retrouver un emploi après un licenciement constituent la population la plus vulnérable.»

Etre pauvre en Suisse

Que signifie être pauvre en Suisse? «C’est être sans cesse pris à la gorge par les échéances financières, devoir renoncer à se rendre chez le dentiste, à suivre une formation continue ou à payer des cours de rattrapage à ses enfants, explique Bettina Fredrich. Les conditions d’existence sont rendues encore plus précaires par les montants élevés des loyers, la hausse des primes d’assurance maladie et les baisses généralisées des assurances sociales.»

Les assurances sociales étant surtout l’apanage des cantons, ces derniers ne seraient-ils pas plus efficaces que la Confédération pour lutter contre la pauvreté? Bettina Fredrich reconnaît que les cantons sont compétents en matière de formation, de logements, de santé et d’assurances sociales, y compris pour assurer le minimum vital. Mais selon elle, ils ne disposent pas d’une vision nationale et seulement la moitié d’entre eux ont défini des objectifs politiques de lutte contre la pauvreté. Elle relève que seuls Genève, Vaud et le Tessin proposent des prestations familiales complémentaires. «Nous avons aussi besoin d’un programme de prévention contre ce fléau, ce que seul un pouvoir central pourrait concevoir et mettre en œuvre», souligne-t-elle.