«Chacun de nous a au moins 250 contacts à partager. Vous êtes-vous déjà penché sur vos vieux carnets d'adresses? Ce sont des mines! Faites remonter vos contacts à la surface, renouez des liens. On ne le fait pas assez et franchement, on se fait rarement mal recevoir.» Le cadre est posé. Lise Cardinal est de passage en Suisse, avec son accent canadien chantant et son vocabulaire fleuri.

Lise Cardinal? C'est LA réseauteuse professionnelle francophone par excellence. Découverte et invitée en Suisse romande par Geneviève Morand de Rézonance il y a environ cinq ans, c'est elle qui a importé le mot et le concept de «réseautage responsable» en Suisse romande. C'est elle qui a mis en mots, en lumière, et théorisé les pratiques séculaires de la création des réseaux de contact, tissés avec art en politique ou dans les affaires, mais moins dans d'autres milieux.

Le 21 septembre dernier, à la Maison de la communication à Lausanne, elle a animé, en compagnie de Geneviève Morand justement, un atelier de formation sur l'attitude réseau. Objectif des 16 participants à l'atelier: «Apprendre à inventorier, à qualifier, à développer et à cultiver méthodiquement leur réseau personnel et professionnel.»

Ne pas épuiser ses amis

Chacun, avant de venir, a dû se préparer à la maison. En répertoriant ses connaissances, par exemple, et en les classant par liens familiaux, professionnels, personnels ou associatifs. «Il ne faut pas solliciter trop souvent les mêmes personnes, car elles s'épuisent, lance Lise Cardinal. A l'inverse, les liens que vous n'entretenez pas s'effacent. Saisissez toutes les occasions, les naissances, Noël, un nouveau job, pour reprendre contact, entretenir et cultiver vos relations.»

Pour Lise Cardinal, le réseautage est clairement utilitaire. Dans un réseau, on tisse des liens de manière intentionnelle pour mieux progresser (lire l'encadré ci-contre). Mais comme ce réseautage se veut aussi «responsable», il véhicule des valeurs de «solidarité, d'entraide, de confiance, de complémentarité et de réciprocité».

A quoi sert-il? Il va permettre notamment d'obtenir des renseignements «précieux» de manière informelle. «L'information est la monnaie d'échange dans un réseau», explique la Canadienne. Un réseau permet aussi de sortir de son isolement, d'être connu et reconnu, de rencontrer des amis ou des partenaires d'affaires.

Autre caractéristique, une autorégulation du groupe pour ceux qui cherchent à créer des relations à long terme: «Pour que les liens durent, on ne peut pas réduire les relations à des transactions. On ne doit pas non plus faire preuve de manipulation ou d'opportunisme, lance Geneviève Morand. Sinon, celui qui ne vient que pour prendre et se servir sans rien donner en retour sera vite repéré et éjecté du groupe.» Lise Cardinal ajoute: «Ma conception du réseau étant basée sur l'entraide, je pense qu'il faut commencer par payer d'avance. Si vous rendez un service, celui qui l'a reçu va vivre en attendant le moment où il pourra vous le rendre. Sans compter qu'il est beaucoup plus facile de demander de l'aide à quelqu'un à qui l'on a déjà rendu service...»

Premier exercice pour immédiatement mettre en pratique le concept. Chaque participant exprime, devant les autres, deux besoins: l'un personnel, l'autre professionnel. L'un cherche une femme de ménage, l'autre un appartement, le troisième le nom d'un bon dentiste et une recommandation pour suivre une formation en intelligence émotionnelle. La machine se met en marche: là, dans le cercle, certains disposent déjà des réponses et peuvent ainsi tuyauter leurs collègues d'un jour.

Identifier, préciser et savoir énoncer clairement ses besoins est indispensable à l'exercice. Une fois ses propres objectifs fixés, on pourra savoir quelles relations nouer, quel réseau formel fréquenter (telle association sportive, association d'alumni, club de services, etc.). «Il s'agit de décider d'après nos objectifs dans quel endroit on va circuler et d'y aller de manière répétitive, sinon, cela ne sert à rien», lance Lise Cardinal.

Choisir ses cercles est indispensable pour ne pas se disperser inutilement et, tout simplement, pour des raisons d'agenda. «Comment trouver le temps de faire tout cela?» s'interroge une participante. A cela plusieurs réponses: un choix sélectif justement et faire du réseautage un mode de vie: «Il faut en faire un peu chaque jour, automatiquement, avec chaque personne rencontrée, explique Lise Cardinal. Ne soyez pas intimidé par la hiérarchie: votre chef peut aussi avoir besoin du nom d'un bon vétérinaire pour soigner son chien.»

Ce chien, justement, comment s'appelle-t-il déjà? Pour bien réseauter, il faut quelques instruments, des efforts de mémorisation et une certaine discipline. Comme noter tous les renseignements que l'on a récoltés sur une personne dans un fichier électronique (le nom du chien, des enfants, leur âge, les hobbies, le parcours professionnel de la personne, etc.): «S'il s'agit de quelqu'un que vous voyez peu, chaque année dans un congrès par exemple, relire ses notes avant de partir permet de relancer la conversation là où on l'avait laissée. Dans un cocktail, je note ces infos au dos des cartes de visite que l'on me donne. Ensuite, je fais un suivi, j'envoie un mot, des remerciements, je laisse des traces. Surtout, je ne crée pas d'attentes auxquelles je ne peux pas répondre par la suite.»

Peaufiner sa présentation

Comment se présenter dans un cocktail et circuler en milieu étranger? Les animatrices sont formelles: il faut préparer à l'avance sa présentation (elle doit durer moins d'une minute) et la répéter pour qu'elle soit accrocheuse. Comment? Mise en pratique immédiate, chacun à tour de rôle, suivi d'un feed-back. «La première impression que vos interlocuteurs auront de vous est importante et vous n'aurez pas forcément une seconde chance.»

Le dernier conseil est énergique: «Un réseau se monte lorsque tout va bien, pas lorsqu'on a des ennuis et que l'on cherche désespérément un job. D'abord, on crée la relation, puis seulement, on peut demander de l'aide, lance Lise Cardinal. Cela vaut notamment lorsque l'on cherche à se réorienter. Vous savez, aujourd'hui, notre réseau, c'est notre capital, notre filet de sécurité, ne l'oublions jamais.»