«Ça va être difficile de rester naturelle à présent que l'on sait tout ça», souffle une participante à l'issue de l'atelier intitulé «Attention! Vos gestes vous trahissent», animé par l'expert en conseil canadien Guy Cabana, à Genève, le 22 avril dernier. La journée s'est employée à décrypter le langage du corps qui accompagne les mots: la fameuse communication non verbale. Ces messages muets représenteraient 55 à 87% de notre communication, tandis que les mots choisis ne pèseraient qu'un maigre 7%. Le reste étant occupé par la tonalité et le timbre de la voix. De quoi faire accourir directeurs, responsables marketing, coachs professionnels et chefs de projet romands à cette réunion, organisée par Rezonance.

Personne n'y échappe, même ceux censés bien manier les outils de la communication. Comme le directeur général de Swiss, Christoph Frank. Dans l'émission économique TTC de la TSR, en mars dernier, le consultant américain en langage corporel Timothy John Walker n'a pas eu besoin de connaître un seul mot de français pour passer à la moulinette le patron de Swiss: «Sa manière de s'auto-contrôler fige son corps. Regardez comme il est caché derrière le pupitre. Le message est: «J'ai peur [...], je me cache.»

Alors, quels sont les gestes à privilégier quand nous voulons traduire la confiance, l'assurance? Le corps tout entier parle, soutient ou contredit nos paroles: épaules, bouche, front, nuque, bras, jambes. Impossible d'être exhaustif. Concentrons-nous sur les mains, car comme l'observe Guy Cabana dans son livre*, «elles nous trahissent souvent parce qu'elles sont presque toujours la partie du corps la plus en évidence».

■ «Je vous écoute»

Dans une réunion d'entreprise, la personne qui tapote le bout de son majeur droit sur la table écoute attentivement, mais s'apprête à répondre en proposant une solution. Car ce doigt est celui du réflexe cérébral et de la prise de décision.

Le doigt qui tripote l'ongle veut des détails.

Les deux mains ouvertes serrées l'une contre l'autre, les doigts collés entre eux, traduisent que l'individu écoute religieusement, mais que sa réflexion est amorcée pour rendre sa décision. «Généralement, cette posture est accompagnée de deux autres gestes: ses pouces se servent du menton comme support et ses index touchent le bout de son nez, l'ensemble barrant le chemin à toute sottise qui pourrait lui échapper.»

■ «Je vous fais confiance»

Le pouce droit exprime, au contraire, l'assurance, la motivation, l'acceptation. Surtout s'il est dressé fièrement.

Rassembler ses dix doigts les uns contre les autres de manière à ce qu'ils soient dégagés et forment une pyramide marque l'ouverture d'esprit. Si l'ensemble pointe en direction de l'interlocuteur, cela signifie que la personne est encline à recevoir toutes les informations que voudra bien lui fournir son interlocuteur. Si la pyramide pointe plutôt vers le haut, la confiance entre les personnes présentes est établie.

■ «Je ne vous crois pas»

Mais tout cela est très subtil. En effet, lorsque le sommet de cette même pyramide pointe vers soi, et touche la bouche, le nez ou le menton, cela indique le doute envers l'autre. Dans ce cas, note Guy Cabana, «dites-vous, au sujet de la personne qui fait ce geste après vous avoir posé une question, qu'elle connaît déjà la réponse. Elle tente uniquement de mesurer vos connaissances avant de poursuivre la conversation.»

Si le geste suivant est de se rapprocher du bureau, sa confiance en vous s'est envolée.

Enfin, si son poing tombe finalement sur la table, toute discussion est terminée. Le conseil dans un tel cas? «Quand vous observez ce geste des mains en forme de pyramide, il est sage de ne pas essayer de convaincre votre vis-à-vis si vous n'êtes pas certain de vos arguments [...] et de le laisser parler pour en savoir davantage.»

■ «Je suis piégé»

Tenir son auriculaire droit avec la main gauche, ou le frictionner, exprime la difficulté. La situation tourmente celui qui agit ainsi.

Le candidat est par ailleurs mal parti si son interlocuteur a les poings fermés posés sur ses cuisses. Ce positionnement des mains équivaut à l'indifférence et l'apathie.

Les mains serrées l'une contre l'autre, les pouces sous le menton, «mimant un individu tenant un fusil à double canon entre ses mains», est le signe que la personne cherche la faille dans le discours de l'autre avant de le mettre au pied du mur.

■ Oui, mais...

Si l'analyse de ces différentes manières de mouvoir les mains est un indice fiable de nos pensées profondes, il faut se garder d'en faire une règle systématique. En effet, comme le précise Guy Cabana, il faut toujours «valider» cette interprétation, en prenant en compte d'autres paramètres du processus de communication.

Ainsi, la personne qui met sa main devant sa bouche en parlant, ou se touche le nez, dénote, dans le cadre de ce décodage, l'incertitude voire le mensonge. Mais peut-être ce geste est-il aussi simple qu'il en a l'air: l'individu a mal aux dents, ou son nez le gratte. De même, il existe des gestes culturels. La main qui frotte le menton, paume vers le cou, signifie la réflexion. Mais le même geste aux Pays-Bas veut dire «ton discours me barbe, il est interminable».

* «Attention! Vos gestes vous trahissent», Guy Cabana, Editions Quebecor, Québec, 2003, 193 pages.